Nous avons tous besoin de jouer dans nos vies


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Au début de l’année, lorsque j’étais à Berlin, je me promenais périodiquement dans un parc local pour réfléchir et faire de l’exercice. Une promenade en particulier s’est déroulée après une chute de neige qui avait laissé des plaques de glace le long des sentiers. En me déplaçant prudemment, presque sur la pointe des pieds, je me suis retrouvé à sourire en regardant les tout-petits tirés par leurs parents sur des traîneaux en bois et les petits enfants se poursuivant avec des boules de neige.

Il y avait quelque chose dans le fait de les regarder jouer qui me faisait ressentir à la fois une joie inattendue et un peu d’envie. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où j’avais ressenti le sentiment d’intemporalité et d’abandon d’esprit libre qui est imprégné dans la récréation des enfants. Des sentiments que j’avais ressentis non seulement quand j’étais enfant, mais aussi à certains moments de ma vie d’adulte, lorsque j’étais un peu plus insouciant, surtout après l’université et pendant la vingtaine.

Les souvenirs les plus proches que j’ai pu évoquer étaient des randonnées avec des amis dans les montagnes du Montana ou du ski de fond à l’extérieur de Seattle. Des choses qui m’ont fait me sentir si vivant et plein d’entrain.

Regarder ces enfants ce matin-là le mois dernier m’a fait réfléchir à la rareté avec laquelle j’utilise le mot « jouer » en référence à ma propre vie. Je me demande si nous pourrions tous en utiliser davantage, même les plus sérieux et les plus accomplis d’entre nous. Et comment nous pourrions le réimaginer dans nos propres vies d’adultes.


Le peintre danois du XXe siècle Peter Hansen semble également avoir été séduit par l’image d’enfants qui jouent. Son œuvre de 1907-08 « Playing Children, Enghave Square » représente une file de filles se balançant en avant, les mains liées, vers les filles en face d’elles. Leurs corps sont pleinement engagés dans le mouvement, leurs visages se tordent de plaisir ou d’incertitude. Au-dessus d’eux, des feuilles verdoyantes dessinent de petits auvents sur fond d’immeubles dont les fenêtres donnent sur la place.

Au moment du jeu, le monde semble appartenir à ces enfants, et leur seul objectif est de négocier leurs interactions les uns avec les autres, en profitant d’un sentiment de liberté.

Je suis une personne sociale. Je sors avec des amis. J’ai des gens pour les repas. Mais ce type de socialisation n’a pas l’aspect curieux et enfantin, « ouvert à tout » de nombreuses formes de jeu, et c’est quelque chose que j’aimerais ressusciter : des moments où je cherche activement à me perdre dans une activité uniquement pour le plaisir. de celui-ci. De préférence une activité physique, pas de lecture ou de visite de musée, même si j’aime ce genre de choses.

Je soupçonne que si nous, en tant qu’adultes, trouvions des moyens d’intégrer davantage de jeu dans nos vies, nous pourrions connaître moins de périodes de stress soutenu, moins d’irritabilité et des expériences plus agréables dans nos relations. Le jeu nous rappelle que s’engager avec les autres et avec le monde est un cadeau joyeux.


« Femmes nues jouant aux dames » de Félix Vallotton (1897) © Artimages/Alay

J’adore la peinture un peu étrange « Femmes nues jouant aux dames » (1897) de l’artiste franco-suisse Félix Vallotton. On y voit deux jeunes femmes jouant aux dames sur un sol recouvert de moquette verte. Une femme a les jambes écartées devant le damier et regarde vers le bas, observant les mouvements de son adversaire, qui est accroupie avec une main sur ses genoux. Nous sommes à leur niveau, mais nous ne voyons pas leurs visages et eux, plongés dans le jeu, semblent indifférents au spectateur.

Il me paraît étrange que Vallotton ait choisi de peindre les femmes nues. Mais j’y vois aussi un sens, quelles que soient ses intentions : pour jouer, il faut baisser la garde, une vulnérabilité qui pourrait être symbolisée par la nudité et l’exposition. Nous savons tous ce que cela fait de ne pas être choisi pour jouer à un jeu. Nous savons aussi que parfois nous pouvons nous blesser physiquement en jouant. En ce sens, la récréation peut être une occasion de rejet et de blessure.

Et pourtant, nous savons tous aussi qu’il existe des moments de jeu au cours desquels notre joie ou notre plaisir ne peuvent être contrôlés ou contenus. Lorsque nous abandonnons l’emprise sur notre moi social organisé et discipliné afin d’être présents, en nous abandonnant à qui nous pourrions devenir. Le jeu nous offre des opportunités de nous libérer de nos inquiétudes concernant la façon dont nous sommes perçus ou nos performances.


« Portrait d’un chien musical extraordinaire » de Philip Reinagle (1805) © Collection Maidun/Alay

L’artiste britannique Philip Reinagle Le tableau de 1805 « Portrait d’un chien musical extraordinaire » peut sembler purement comique, peut-être une satire des enfants prodiges musicaux de l’époque. Mais je l’inclus ici parce que j’aime son apparente bêtise et l’audace d’imagination qu’il faut pour dresser un portrait aussi sérieux d’une expérience aussi improbable.

Un élément de notre façon de jouer devrait consister à élargir notre imagination pour permettre un niveau accru de ridicule dans nos vies. Faire tout ce qui nous fait rire, participer à ce que des sensibilités responsables pourraient considérer comme un comportement insensé. Nous ne jouons pas pour être reconnus ni pour plaire aux autres. Nous jouons pour nous libérer vers une posture de plaisir, de curiosité, de joie et d’engagement avec ceux qui nous entourent et avec le monde en général.

Envoyez un e-mail à Enuma à [email protected] ou suivez-la sur X @EnumaOkoro

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