L’indice de misère dans notre pays culmine au plus haut niveau depuis les années 1980 : “Nous sommes l’un des pires élèves de la classe en Europe”

Quel est exactement cet indice de misère ?

“C’est une sorte de mesure de la valeur avec laquelle les économistes essaient de regrouper toute la misère économique à laquelle un pays est confronté en un seul chiffre. Ils basent cela sur quatre déséquilibres économiques majeurs : l’inflation, le taux de chômage, le déficit budgétaire et le déficit du compte courant d’un pays. Si ces facteurs augmentent pendant une période plus longue, vous risquez une perturbation de votre économie à long terme. »

Que se passe-t-il avec cet indice ?

« Nous voyons ce chiffre augmenter considérablement. A tel point que nous sommes maintenant au niveau du milieu des années quatre-vingt. Bien que la situation actuelle ne puisse être comparée à ce que nous avons vu dans les années 1970 et 1980. A l’époque, les quatre facteurs contribuaient à la hausse de l’indice de la misère, aujourd’hui c’est principalement l’inflation et le déficit budgétaire qui posent problème. Mais les quatre facteurs de l’indice sont étroitement liés. Si l’inflation reste élevée, par exemple, notre système d’indexation automatique des salaires menace également d’augmenter les salaires plus fortement que chez nos partenaires commerciaux. Cela nuit à la position concurrentielle de nos entreprises. Ce qui, à son tour, fait grimper le chômage et déséquilibre la balance commerciale – la différence entre ce qu’un pays exporte et importe – et le compte courant associé.

Est-ce que d’autres pays voient aussi un tel pic de misère ?

« Quand on le regarde dans un contexte européen, la Belgique est actuellement l’un des pires élèves de la classe. L’inflation y est considérablement plus élevée que dans les pays voisins et le déficit budgétaire structurel est un problème depuis un certain temps. En ce qui concerne le chômage, nous nous en sortons relativement bien, même s’il y a aussi une mise en garde à cela. Car là où on voit dans d’autres pays que le taux de chômage est déjà retombé à des niveaux pré-corona, ce n’est pas encore le cas chez nous. C’est donc aussi quelque chose à surveiller.

Doit-on s’inquiéter de cet indice de misère en hausse ?

« Je ne mettrais pas cette augmentation de côté. Ce chiffre en dit long sur la situation économique de notre pays. Ce ne sera probablement pas aussi mauvais qu’au début des années 80. Chez KBC, par exemple, nous supposons toujours une croissance économique pour cette année, bien que nous ayons ajusté les chiffres. De la croissance attendue de 2,8 %, il restera 2,1 % après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Bien sûr, cela ressemble toujours à du marc de café. Supposons que Poutine décide à un moment donné de fermer complètement le robinet de gaz et de pétrole, alors nous obtenons soudainement une histoire différente.

« La situation sur le marché du travail est également préoccupante. Contrairement à la crise des années 1970 et 1980, le chômage est cette fois maîtrisé, mais un autre problème se profile. Le vieillissement de la population signifie que la population active diminue, ce qui entraîne une pénurie sur le marché du travail. Cela peut aussi avoir des conséquences négatives pour l’économie.

Le gouvernement belge doit-il et peut-il faire quelque chose ?

« Le gouvernement devrait avant tout essayer de maîtriser à moyen terme les facteurs de l’indice de misère, en veillant par exemple à ce que l’inflation ne continue pas à monter structurellement au-dessus de celle ailleurs en Europe. Elle devra aussi tôt ou tard rétablir des finances publiques saines. Aujourd’hui, nous n’avons pas de tampons pour relever les nombreux défis – changement climatique, vieillissement, défense. Et sur le marché du travail, une plus grande concentration sur l’activation et la reconversion, la formation et l’orientation peut aider à prévenir les pénuries.»



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