Les militants de Greenpeace n’ont jamais soupçonné qu’ils seraient jugés pour cette action. Ils risquent désormais 6 mois de prison

A Bruges, quatorze militants de Greenpeace sauront mercredi s’ils seront condamnés à six mois de prison pour une action dans le port de Zeebrugge. La plainte s’appuie sur une loi contre les transmigrants. Les experts s’inquiètent d’un « démantèlement progressif du droit de manifester ».

Barbara Debusschère

« La police nous a laissé partir les premiers. Tout s’est très bien passé. Mais nous avons quand même été arrêtés. Nous avons été en prison pendant 48 heures. Cela a frappé à la maison. Lorsque vous devez demander la permission de tirer la chasse d’eau ou de vous laver les mains, vous vous sentez tout petit. Nous risquons désormais six mois de prison. C’est disproportionné pour une action non-violente, sans préjudice et poursuivant un objectif légitime.

Puis Kelly Coudijzer (29 ans), qui a témoigné dans le magazine ABVV Le nouveau travailleurLe 29 avril, elle est entrée en kayak dans le terminal GNL de Fluxys avec treize autres militants de Greenpeace et a déployé des banderoles, sans se douter qu’elle finirait en prison et serait traduite devant le tribunal correctionnel. Avec la protestation climatique, Greenpeace voulait s’opposer à notre dépendance croissante au gaz.

Le parquet de Bruges poursuit les militants sur la base d’une loi sur les transmigrants. « En pratique, un transmigrant est poursuivi lorsqu’il est arrêté pour la troisième fois dans le port », explique leur avocat Joke Callewaert. « Les militants sont donc traités plus sévèrement. »

Dans ses arguments, la défense a déclaré qu’il s’agissait « d’un procès contre le mouvement climatique et le droit des citoyens à manifester ». Parce que ce type d’actions relève du droit à la liberté de manifestation et d’expression. S’il existe un objectif social légitime et que tout se fait sans violence, les pays doivent le tolérer, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

« Et il est en soi exceptionnel que des militants écologistes soient jugés », a déclaré le porte-parole de Greenpeace, Joeri Thijs. « C’est la deuxième fois en vingt ans à Greenpeace que je vis cela. Greenpeace ne se laissera pas intimider. Mais si les quatorze sont reconnus coupables, cela risque de dissuader d’autres militants – des citoyens ordinaires ayant un emploi et une famille. »

Kati Verstrepen, avocate et présidente de la Ligue des droits de l’Homme, et la chercheuse Marie Jadoul (UC Louvain), s’interrogent également sur le processus. « Utiliser la législation sur les transmigrants pour juger les militants du climat, c’est fluage des fonctions», déclare Verstrepen. «Vous introduisez quelque chose dans un but précis et promettez de ne jamais l’utiliser pour d’autres choses, et cela arrive quand même. Inquiétant. »

Jadoul, doctorant sur la désobéissance civile écologique, déclare : « Le procureur semble envoyer le signal que ce type d’action climatique ne sera certainement plus jamais possible dans le district de Bruges. »

Elle constate également que le militant pour le climat Wouter Mouton a désormais été reconnu coupable devant le même tribunal de Bruges, mais avec sursis. Il a collé la main à un tableau de Jan Van Ecyk. «Ici aussi, il n’y a eu aucun dégât et le militant a attiré l’attention sur un problème urgent. A la lumière des autres priorités du droit pénal, on peut alors se poser des questions sur des poursuites », précise Jadoul.

Elle parle d’un démantèlement progressif du droit de manifester. « Dans d’autres pays, on assiste à une explosion de procès contre les militants écologistes. Ce n’est pas le cas chez nous. Mais maintenant, il y a ces deux cas à Bruges et je vois encore des éléments qui me font craindre que nous allions aussi dans cette direction », dit-elle. «Par exemple, des consultations ont lieu entre les responsables politiques et les services de sécurité sur la manière dont ils peuvent mieux faire face aux nouvelles formes de protestation.

Les manifestations corona, avec des actions telles que La Boum 1 et 2, les actions d’Extinction Rebellion et Black Lives Matter, les ont surpris. Le chercheur Nicolas Bocquet, expert en surveillance, m’a également indiqué que la police avait commandé une technologie de reconnaissance faciale. Vous en avez besoin si vous souhaitez poursuivre davantage les militants. Il s’agit d’une violation supplémentaire choquante des droits civils et des principes fondamentaux. Et il y a le projet de loi interdisant les manifestations, présenté par l’ancien ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld). De nombreuses organisations y voient également une possible restriction du droit de manifester.»

L’un d’entre eux est l’Institut fédéral des droits de l’homme. Cela révèle la même tendance. « Il y a des projets de loi et des circulaires sur la table qui montrent que la tendance venue de l’étranger risque de se propager ici », déclare le directeur Martien Schotsmans. Outre le projet de loi interdisant les manifestations, elle évoque une circulaire de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) relative à une interdiction préventive des manifestations et une proposition visant à faire des « appels à une ingérence malveillante dans l’autorité gouvernementale » un délit punissable. L’Institut donnait toujours des conseils négatifs.

C’est à juste titre, estime Verstrepen. « Manifester est un droit essentiel. Autrement, nous risquons de ne pas avoir de repos dominical ni de suffrage universel. Vous ne pouvez pas simplement restreindre cela. Et certainement pas avec des lois inutiles qui menacent de dissuader les militants essentiellement pacifiques, comme le projet de loi interdisant les manifestations », dit-elle.

Thijs craint également une approche plus ferme. « La police prend déjà des mesures plus strictes et nous trouvons également inquiétante la condamnation de Mouton », dit-il. « Et certains politiciens alimentent cela. Lorsque Zuhal Demir (N-VA) caricature les militants comme s’ils étaient des criminels dans des tweets sur des manifestations légitimes pour le climat, cela peut alimenter le réflexe judiciaire de prendre des mesures plus strictes. Alors que l’importance de l’action climatique ne fait qu’augmenter.



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