CComment étaient les grands écrivains avant de le devenir ? Les gens ordinaires, qui allaient au bureau comme Kafka, bizarre comme Conan Doyle qui croyait aux fantômes, bucolique comme Balzac qui a commencé à cultiver des ananas ?
Des détails importants selon Enrico, le professeur délabré du cours d’écriture créative suivi par Eleonora, une employée de trente ans insatisfaite et réprimée. Avec elle, six autres personnages qui suivent avec un peu de doute les exercices déroutants d’Enrico, comme se jeter dans l’eau glacée, grimper à un arbre, jouer Roméo et Juliette.. Peu à peu, les intrigues des grands romans et la vie des écrivains du XIXe siècle s’entremêlent à celles des protagonistes de Comment devenir Anna Karénine (sans finir sous un train).
Romans et vie réelle commencent à se confondre dans un jeu de miroirs aux conséquences parfois catastrophiques. L’auteur Eleonora Sottili crée une histoire avec un équilibre parfaitinsérant l’ironie et la littérature, la réalité et la fiction dans différents plans littéraires, jouant à cache-cache à chaque page. Et qui divertit avec une intelligence aiguisée.
On rit beaucoup et on apprend des choses surprenantes sur les classiques. Comment avez-vous mélangé les différentes formes narratives ?
C’était compliqué d’entremêler les trois niveaux du récit : le parcours d’écriture, la vie des étudiants et celle des grands écrivains. Mais j’ai eu beaucoup de plaisir à lire les biographies des maîtres du XIXe siècle, j’ai découvert des anecdotes auxquelles je ne m’attendais pas et que j’ai utilisées dans le livre.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
Arthur Conan Doyle a tenté de « tuer » son célèbre Sherlock Holmes et croyait aux fantômes, aux fées et aux gnomes. Avec des théories très précises sur les mécanismes de reproduction de ces créatures. Balzac, en revanche, est un exemple de détermination. Il commence à se comporter comme un écrivain alors qu’il n’a pas encore écrit une ligne. Ce qui m’intéressait, c’était d’éclairer les difficultés et les incertitudes qu’avaient aussi ces grands auteurs, comme tout le monde.
Les correspondances entre la vie des écrivains et leurs œuvres sont au centre de l’ouvrage. Pourquoi vous êtes-vous concentré là-dessus ?
Il est intéressant de voir comment certaines facettes insoupçonnées de leur personnalité se retrouvent dans les romans. Nous écrivons souvent pour introduire des éléments de fiction dans la réalité, pour faire en sorte que les choses qui ont mal tourné dans la vie se passent bien. Il y a aussi une base autobiographique dans Frankenstein de Mary Shelley. Le voyage qu’entreprend le monstre est le même que celui entrepris par l’auteur et la relation entre la création et la mort est liée au fait que la mère de Shelley est morte en couches.
Le protagoniste porte le même nom qu’elle et Enrico est son collègue professeur d’écriture créative à l’école Holden. Est-ce qu’elle s’est mise dans les deux personnages ?
Enrico existe vraiment, je me suis inscrit à l’un de ses cours et j’ai été émerveillé et étonné comme mes protagonistes. Mais je propose moi-même à Holden certains des exercices trouvés dans le livre. Et Eleonora, oui, je suis un peu romantique. J’ai ressenti le besoin d’utiliser mon nom car je parlais de mes passions les plus profondes, l’écriture, la littérature et l’amitié. Je pense que chacun contient de nombreuses identités et si vous parvenez à puiser dans les différentes nuances, vous devenez une personne plus riche et plus ouverte envers la personnalité des autres.
L’Eleonora du livre, qui vit avec des sens étouffés, commence à expérimenter différentes identités. Est-ce la littérature qui la libère ?
Oui. Lire, écrire et jouer sont des activités qui permettent d’éprouver des émotions que l’on ne soupçonne même pas et dans lesquelles on se reconnaît ensuite. Et devenir des personnes différentes.
Enrico assigne comme tâche la lecture des Essentiels (dont Shakespeare, Melville, Tolstoï, Flaubert). Parmi vos contemporains, qui sont les vôtres ?
Philip Roth, Domenico Starnone, Emmanuel Carrère, Jonathan Franzen. Pour ce livre, je me suis inspiré des Leçons de bonheur d’Ilaria Gaspari et Elif Batuman avec Les Possédés et L’Idiot. J’ai rédigé une liste complète en annexe.
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