Le Premier ministre israélien Netanyahu ne veut pas céder d’un pouce, le désaccord avec les États-Unis s’accentue

C’est peut-être comme la quadrature du cercle : la question d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas : insoluble. Ramenée à l’essentiel, elle semble se résumer à un choix entre deux options : soit l’armée israélienne arrête son offensive contre le Hamas, soit l’offensive se poursuit (au plus avec une courte pause dans les combats) jusqu’au bout.

C’est ce dernier message qu’a lancé mercredi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, lorsqu’il a qualifié de « folle » une proposition de cessez-le-feu du Hamas. Il n’est pas question, a-t-il dit, qu’Israël abandonne la lutte contre le Hamas et retire son armée de la bande de Gaza. Rien de moins qu’une « victoire totale » n’est le but de la guerre.

Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, pourrait le faire. Pour la cinquième fois, lors d’une tournée au Moyen-Orient, il s’est donné beaucoup de mal pour obtenir une trêve. Et une fois de plus, il a pu rentrer à Washington les mains vides. La mission a encore échoué.

Netanyahou est même allé plus loin. Non seulement il a semblé (ndlr : semblait) claquer la porte à de nouvelles négociations, mais il a confirmé qu’Israël préparait une attaque majeure contre Rafah, la ville du sud de Gaza où près d’un million et demi de Gazaouis ont trouvé refuge. Cela devrait être le coup final porté au Hamas.

Les craintes sont largement répandues quant aux conséquences humaines d’une telle opération, en plus du drame humanitaire qui a déjà eu lieu sur ce territoire surpeuplé. Selon des sources palestiniennes, le bilan approche les 28 000 morts et l’ONU manque actuellement de superlatifs pour décrire les souffrances. La directrice de l’UNICEF, Catherine Russell, affirme que l’escalade militaire à Rafah marque « un nouveau tournant dévastateur » dans la guerre et pourrait tuer des milliers d’enfants.

Les États-Unis sont donc opposés à une attaque contre Rafah. D’un point de vue humanitaire, ce serait « un désastre », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby. « Nous ne le soutiendrions donc pas. » Le président Joe Biden a qualifié jeudi soir les actions de l’armée israélienne à Gaza de «sur le dessus » sa condamnation la plus sévère à ce jour de l’approche de Netanyahu. L’écart entre les deux alliés se creuse.

Moment précaire

L’échec de la mission de Blinken arrive donc à un moment précaire, en partie parce qu’Israël doit rendre compte dans deux semaines à la Cour internationale de Justice de ce qu’il a fait pour mettre en œuvre les « mesures provisoires » de la Cour dans l’affaire de génocide intentée par l’Afrique du Sud. L’ordre des juges peut se résumer ainsi : faites tout ce qui est en votre pouvoir pour empêcher que des civils à Gaza ne soient tués ou blessés. La question est de savoir quel est le rapport avec un éventuel Armageddon à Rafah.

Une autre question qui reste sans réponse est celle de l’avenir de la bande de Gaza. Qui gouvernera la région lorsqu’Israël considérera l’opération militaire terminée ? Le gouvernement israélien ne semble pas avoir de plan en ce sens et donne même l’impression que ce n’est pas un problème : une zone de sécurité d’un kilomètre autour de Gaza, des tunnels murés, des dépôts d’armes vidés et c’est tout.

Israël n’a pas l’intention d’entreprendre lui-même la reconstruction de Gaza. Mais il est à craindre que sans régime civil, le Hamas comble naturellement le vide. Après tout, les experts s’accordent à dire que le mouvement ne peut pas réellement être détruit. Des combattants du Hamas apparaissent dans le nord de Gaza, rapporte un site d’information Moniteur Al. « Le refrain de Netanyahu sur la ‘victoire totale’ est un fantasme », a déclaré le chroniqueur Anshell Pfeffer au journal israélien. Haaretz.

Ton martial

La mise en place d’un gouvernement alternatif nécessitera un défilé de parties utiles : les États-Unis, l’ONU, l’Europe peut-être, les pays arabes et probablement l’Autorité palestinienne. Blinken y travaillait déjà, notamment dans ses conversations en Arabie Saoudite. Netanyahu ne lui donne probablement pas le sentiment qu’Israël et les États-Unis travaillent ensemble.

La déclaration de Netanyahu mercredi n’était en fait pas une surprise. Depuis quatre mois, le GPO, le service d’information du gouvernement de Jérusalem, publie presque quotidiennement des communiqués dans lesquels le Premier ministre évoque sur un ton martial l’objectif final, la destruction totale du Hamas.

Message du GPO vendredi après-midi, 15h54 : « Il est impossible d’atteindre l’objectif de la guerre sans éliminer le Hamas et sans laisser quatre bataillons du Hamas à Rafah. C’est pourquoi le Premier ministre Netanyahu a ordonné à l’armée de soumettre au cabinet un plan combiné d’évacuation de la population et de destruction des bataillons.»

Il n’est donc pas question de cessez-le-feu. Bien que? Les discussions contre le Hamas se poursuivent au Caire, et un membre du gouvernement de Netanyahu a laissé entendre jeudi que des pourparlers pourraient encore avoir lieu. Les observateurs voient les portes légèrement entrouvertes des deux côtés. Haaretz a publié vendredi une analyse en ce sens sous le titre « L’accord entre Israël et le Hamas n’est pas encore mort, même si Netanyahu dit le contraire ». Peut-être que le cercle peut encore être carré.



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