La ferme de soins Huppeldepup dans « Affaires des autres » : « Les entrepreneurs sociaux tombent souvent dans le même piège »

Lorsqu’Ellen Van Assche a réalisé qu’elle travaillait depuis sept ans dans sa ferme de soins sans se payer de salaire, elle a compris qu’il fallait faire quelque chose. Elle a donc demandé l’aide de Kamal Kharmach et du programme VRT 1. Les affaires des autres

Sophie Pecke

Derrière un ravissant château aux escaliers majestueux en pierre bleue, qui appartenait autrefois à un dirigeant d’Eternit, se trouvent 5 hectares de terrain sur lesquels Ellen Van Assche (40 ans) et Geert Van Moer (44 ans) ont agrandi la ferme de soins Huppeldepup. « J’ai travaillé comme commerciale pendant quatorze ans, après quoi j’ai rejoint l’entreprise informatique de mon mari. Il y a neuf ans, je voulais faire quelque chose de significatif pendant mon temps libre. Lorsqu’un éducateur spécialisé de notre famille m’a proposé le concept d’une ferme de soins, je savais ce que je voulais faire : mettre les personnes handicapées en contact avec les animaux », raconte Van Assche, alors que nous nous dirigeons vers l’arrière du domaine, où se trouvent deux bancs au soleil d’hiver et un groupe d’alpagas tranquilles dans la fine queue.

En attendant, une centaine d’invités viennent chaque semaine : des personnes en situation de handicap, mais aussi des jeunes en répit ou des adultes en burn-out. «Les étudiants qui travaillent à la ferme une demi-journée par semaine ne traînent plus dans la rue, ce qui signifie qu’ils ont beaucoup plus de chances d’obtenir leur diplôme», explique Ellen Van Assche. « Les patients psychiatriques qui s’engagent auprès d’un animal se sentent plus utiles, ce qui change leur état d’esprit et leur permet de réduire leurs médicaments. L’effet de nos activités diurnes est plus grand que ce que nous osions espérer à l’avance.

Côté affaires

Mais comme tout entrepreneur social, Van Assche doit également gérer l’aspect commercial de son rêve en matière de soins de santé, et cela s’est avéré moins fluide ces dernières années. « 2019 en particulier, année au cours de laquelle nous avons commencé à travailler avec du personnel permanent, a été un tournant. Ces coûts de personnel étaient particulièrement difficiles pour nous. Nous étions si serrés que nous avons dû payer de notre poche les investissements dans les cages pour animaux. Sans nos camps d’été, où nous recevons cinquante enfants pendant neuf semaines – oui, c’est aussi intense que cela puisse paraître -, nous aurions fait faillite depuis longtemps.»

Lorsque les prix de l’énergie ont grimpé en flèche et que Van Assche a réalisé qu’elle travaillait depuis sept ans sans se payer de salaire, il fallait faire quelque chose. Peu de temps après, elle s’est engagée dans un processus de plusieurs mois avec Kamal Kharmach, le sympathique économiste du programme VRT 1. Les affaires des autres.

« Grâce à Kamal, j’ai pris en charge ma propre comptabilité, j’ai pu mieux comprendre les différentes sources de revenus et enfin savoir lesquelles étaient rentables ou déficitaires. La thérapie était trop bon marché, mais après avoir interrogé nos participants, il s’est avéré qu’ils ne pourraient pas se permettre une augmentation. Nous avons donc dû rentabiliser nos autres sources de revenus afin de pouvoir couvrir les pertes. Une thérapie abordable reste notre objectif.

D’un acteur pharmaceutique qui sponsorise des vaccinations à une entreprise respectueuse des animaux qui achète de la paille pour un an : selon le modèle anglo-saxon, Van Assche a dû rechercher un parrainage à long terme auprès des entreprises au lieu de compter sur les subventions bien connues.

Réflexe rationnel

« L’un n’exclut pas l’autre, mais il existe une tendance vers une plus grande responsabilité sociale des entreprises. Par exemple, en investissant dans des initiatives comme Huppeldepup ou en y organisant un team building, au lieu d’emmener le bureau dans les Ardennes », explique Marc Michils, président de Kom op tegen Kanker et expert en émission.

Il affirme que les entrepreneurs sociaux comme Van Assche tombent souvent dans le même piège : ils sont motivés par l’enthousiasme et la volonté, mais se perdent souvent dans un manque de professionnalisme. « Ne vous méprenez pas : leur enthousiasme et leur valeur ajoutée sociale ne doivent en aucun cas être menacés par la pensée économique, mais il doit y avoir un réflexe rationnel qui évalue les questions essentielles, comme une répartition ciblée des tâches, une évaluation régulière, un contrôle des notes. …

« Un bon exemple est la Social Innovation Factory, un lieu où les entrepreneurs sociaux partagent leur expertise, comme cela se produit dans le monde des affaires ordinaire. Cela peut paraître contradictoire au vu de la thématique pour laquelle les entrepreneurs sociaux s’engagent, mais ils doivent aussi faire preuve d’un sens commercial raisonné. L’alternative est de s’épuiser prématurément.



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