La combinaison de la Chine communiste et de la droite radicale semble folle, mais les deux partis partagent un ennemi commun.

L’ancien député Frank Creyelman est, à notre connaissance, le seul espion payé par les Chinois qui faisait partie du VB, mais il n’est certainement pas le seul à avoir d’étroites sympathies chinoises au sein du parti.

Bart Eeckhout

« La Flandre n’a pas à s’immiscer dans la cuisine intérieure chinoise », a déclaré le 7 juillet 2020 la commission de politique générale du Parlement flamand. Et aussi : « La Flandre ne doit pas juger sur la base de rumeurs, mais sur la base de faits concrets. Dans la province du Xinjiang, par exemple, les Ouïghours mènent des attaques depuis longtemps. Cela fait maintenant trois ans que c’est calme là-bas. (…) Les conditions de vie des Chinois s’améliorent.»

Cuisson interne, rumeurs, terroristes ouïghours… : l’intervention aurait pu sortir tout droit de la stratégie chinoise du PVDA. Seulement les mots ne viennent pas de la gauche radicale, mais de la droite radicale. C’est la députée flamande Anke Van dermeersch qui les exprime lors d’un débat sur une résolution sur les risques d’ingérence chinoise dans l’économie flamande.

Il ne s’agit pas d’une position ponctuelle de la part du politicien du VB. En 2018, avec son collègue Filip Dewinter, elle a accordé une interview à l’agence de presse chinoise Xinhua dans laquelle les éloges du leader Xi Jinping sautaient aux yeux. « Pour être honnête, il y a encore beaucoup de gens en Occident qui regardent la Chine avec une vision dépassée », dit-elle. L’interview se termine ainsi : « Le sénateur a promis de renforcer la communication et la compréhension entre la Chine et l’Occident et de persuader les Occidentaux de considérer la Chine sous un jour objectif et positif. »

L’hiver

Le fait que Van dermeersch apparaisse aux côtés de Dewinter n’est pas une coïncidence. Depuis des années, Dewinter entretient des contacts chaleureux avec Changchun Shao, un Chinois qui a été dénoncé comme espion en 2017 et expulsé de notre pays. Humeur a révélé que Dewinter avait fait tout son possible à l’époque pour obtenir un permis de travail pour l’espion.

Dewinter et Van dermeersch se sont également rendus ensemble en Chine. Et le même lien apparaît dans l’accord chinois, désormais controversé, qui a permis à Dewinter, avec Anke Van dermeersch et Sam Van Rooij, de distribuer des masques gratuits à Anvers en 2020.

«J’ai peut-être été un peu naïf», déclare aujourd’hui Filip Dewinter, confronté à ce lien avec la Chine. C’est littéralement la même excuse que celle qu’il a utilisée pour justifier sa grande sympathie pour le régime du président russe Poutine après son invasion de l’Ukraine l’année dernière. Pendant des années, Dewinter s’est laissé utiliser comme complice des régimes russe et chinois, mais les regrets ne sont toujours venus qu’après l’agitation.

« Son leadership fort impose mon respect », a déclaré la figure de proue du VB en 2016. Le matin à propos de Poutine. Ce n’est pas seulement après l’invasion de la Crimée que les compagnons de Dewinter – les politiciens du VB Jan Penris, Christian Verougstraete et… Frank Creyelman – ont également facilité cette invasion en agissant en tant qu’« observateurs » pour donner de la crédibilité au simulacre de référendum en Crimée.

Un modèle se dessine. Filip Dewinter est impliqué dans toutes les relations entre le VB et des régimes ou hommes politiques étrangers, aux côtés d’un groupe régulier de collègues du parti. L’espion chinois Frank Creyelman est généralement présent. Tout comme Anke Van dermeersch et plus tôt Jan Penris. Dans diverses combinaisons, ils apparaissent en Chine, dans les médias de propagande russes, mais aussi lors d’une visite au mouvement néo-nazi grec Aube dorée (2016), ou lors d’une visite au dictateur syrien Assad (2017) – ce dernier avec l’approbation du président Tom Van Greeks.

Il y a aussi un motif de l’autre côté. La Chine semble reprendre la stratégie et le réseau de politiciens volontaires des Russes. Comme Moscou, Pékin suit une double voie. D’une part, il attire d’anciens joueurs de haut niveau qui souhaitent gagner un peu d’argent supplémentaire : l’ancien Premier ministre allemand Schröder, notre ancien Premier ministre Yves Leterme (CD&V). Dans le même temps, les Chinois exploitent avec enthousiasme l’offre de politiciens radicaux de droite. C’est ce qu’ils font en Europe centrale et orientale, mais aussi en Allemagne et en Flandre. Ce n’est que récemment que Maximilian Krah, figure de proue de l’AfD allemande, a été soupçonné d’espionnage rémunéré pour le compte de la Chine. L’histoire est similaire à celle de Frank Creyelman, et suggère que les Chinois s’intéressent principalement aux positions européennes au sein du VB.

Des pions facilement disponibles

La combinaison de la Chine communiste et de la droite radicale semble folle, mais elle ne l’est pas. Les deux partis partagent un ennemi commun : les démocraties libérales européennes. Pour la Chine, les politiciens d’extrême droite sont des pions facilement disponibles, disposant d’un aperçu facile des institutions et d’investissements bon marché qui pourraient un jour rapporter de bons rendements si leurs partis accédaient au pouvoir.

« Le bilan de notre parti montre clairement qu’il n’y a eu aucune influence chinoise », a écrit le président du VB, Tom Van Grieken, dans un communiqué de presse à l’occasion du départ de Steven Creyelman de la commission parlementaire des achats militaires. Contrairement au PVDA, VB est en effet rarement pris dans un comportement électoral pro-chinois. Mais l’enchevêtrement se situe bel et bien au sein du parti, et pas seulement avec des personnalités périphériques comme Frank Creyelman. Les liens étrangers très discutables des figures de proue du VB sont bien documentés depuis des années. Le président Van Grieken n’y a attaché que peu ou pas de conséquences dans les faits.

Filip Dewinter et Anke Van dermeersch seront à nouveau numéros 1 et 2 pour VB en 2024 aux élections locales à Anvers, l’une des plus grandes villes portuaires et clusters industriels d’Europe. Dewinter reste également un défenseur de liste pour le Parlement flamand. Tom Van Grieken dit même le voir comme un futur ministre flamand.



ttn-fr-31