La chute du prix du pétrole oblige les majors à trouver un nouveau discours auprès des investisseurs


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Le pétrole peut flotter sur l’eau, mais ses jours de flottement au-dessus du ralentissement de la croissance de la demande mondiale semblent comptés. Après être brièvement tombé sous les 70 dollars le baril, il pourrait bien sombrer encore davantage. C’est une mauvaise nouvelle pour les compagnies pétrolières et gazières, bien sûr. Mais cela laisse les majors européennes, dont l’attrait pour les actions s’est principalement concentré sur les rachats d’actions et les dividendes, en quête d’un nouvel argumentaire de vente.

Le principal problème du pétrole est que la consommation en Chine a commencé à baisser, sous l’effet d’une économie faible aggravée par la pénétration croissante des véhicules électriques et du train à grande vitesse. Cela se traduira par un taux de croissance mondial pour cette année et l’année prochaine inférieur à 1 million de barils par jour, soit moins de 1 % de la consommation mondiale, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Ces petits bouts de croissance de la demande sont facilement comblés par de nouveaux volumes de pétrole entrant en production au Brésil, en Guyane et dans d’autres pays producteurs non membres de l’Opep. Le cartel se retrouve donc dans une position inconfortable : maintenir ses réductions et céder des parts de marché, ou risquer d’inonder le marché. Il est peu probable qu’il privilégie la production au détriment du prix, car la croissance de l’offre provient de projets bon marché à cycle long qui pourraient résister à la crise. Mais même en supposant que ses membres ne rompent pas les rangs, la menace d’une importante capacité de réserve qui pourrait être rapidement remise en production maintiendra le prix du pétrole à un niveau bas.

Les grandes compagnies pétrolières pourraient donc s’attendre à des prix qui pourraient bien être en moyenne de 10 à 15 dollars le baril inférieurs à ceux de 2023. Selon Christopher Wheaton de Stifel, les flux de trésorerie pourraient diminuer de 0,50 dollar le baril pour chaque dollar perdu sur le prix du pétrole, ce qui signifie environ 30 milliards de dollars par an sur les portefeuilles de production en amont des cinq plus grandes compagnies pétrolières mondiales. À cela s’ajoutent l’impact des faibles marges de raffinage et, potentiellement, des gains de trading plus faibles provenant de flux moins volatils.

La baisse des flux de trésorerie va faire vaciller les politiques de distribution des majors. La plupart d’entre elles versaient plus de la moitié de leurs flux de trésorerie aux investisseurs sous forme de dividendes et de rachats d’actions, selon une analyse de Citigroup. Elles auront beaucoup moins de marge de manœuvre à l’avenir. Certes, le groupe dans son ensemble sort de cette manne pétrolière avec des bilans solides. Mais il serait difficile de convaincre les majors de s’endetter pour financer les rachats d’actions.

Les grandes compagnies pétrolières ont donc besoin d’une nouvelle histoire à raconter aux investisseurs. Le problème est moins aigu pour les entreprises – principalement aux États-Unis – qui ont encore des opportunités considérables dans leur activité principale. Il est utile de pouvoir mettre en avant les avantages de la consolidation du schiste pour Exxon ou la croissance de nouvelles ressources. Mais en Europe, où davantage de capitaux sont investis dans des activités à faible émission de carbone et de transition énergétique, le défi de convaincre les investisseurs que ces activités ont un avenir rentable est devenu encore plus pressant.

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