Comment voyez-vous l’œuvre d’art ?
Philippe Van Cauteren : « Je ne l’ai pas encore vu en vrai. Mais d’après les photos, il s’agit d’une sculpture en bronze assez classique. En ce qui me concerne, cela n’a rien de choquant. Il véhicule également un message précieux : les chaises empilées représentent la culture du jetable. En ce sens, je pense que c’est une œuvre d’art réussie.
Pourtant, l’œuvre suscite des réactions étonnamment négatives. «Cela appartient au parc à conteneurs», peut-on lire par exemple sur les réseaux sociaux. Êtes-vous surpris par cela ?
« Oui, je suis un peu surpris de la consternation qui entoure cette œuvre. Si vous faites le tour de différents ronds-points en Flandre, vous verrez de nombreuses sculptures et autres œuvres d’art bien plus choquantes.
« En revanche, je suis toujours soulagé de constater que l’art dérange les gens. Tant que l’art dérange les gens, les fait douter de leur jugement de goût ou les désenchante, il y a de l’espoir. Cela prouve que l’art met encore quelque chose en mouvement. Ce serait bien plus inquiétant s’il y avait un consensus à cent pour cent sur une œuvre d’art particulière.
« Les gens s’attendent trop souvent à ce que l’art corresponde à leurs attentes. Mais le bon art ronge ces attentes. Si une œuvre d’art parvient à réveiller les gens et à faire bouger les choses, comme ici, c’est bon signe.»
Avez-vous remarqué à quel point les gens sont de plus en plus critiques à l’égard d’un art qui ne correspond pas à leurs attentes ?
« Il y a bien sûr une différence entre les expositions dans un musée et l’art dans l’espace public. En achetant un billet d’entrée dans un musée, les gens se déclarent prêts à s’exposer à quelque chose de nouveau et d’inattendu. Mais dans l’espace public, tout le monde peut entrer en contact avec l’art. Et dans les temps incertains et vulnérables dans lesquels nous vivons, cet art pourrait devenir plus rapidement la tête de Jut.
« Je constate que l’autorité des artistes est de plus en plus remise en question. Lorsque nous allons chez le médecin, la plupart des gens prennent ce qu’ils prescrivent sans aucun doute. Mais à Beaufort, qui est tout autant une institution, cette autorité est bien plus rapidement remise en question.
« Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de compétences et d’expertise dans une telle œuvre d’art. C’est le résultat d’années de pratique et de technique, de nombreux essais et erreurs et d’une grande connaissance de la tradition artistique. Cette œuvre contient des références au travail du sculpteur Constantin Brâncusi, aux accumulations de l’artiste franco-américain Arman. Mais cela est négligé par beaucoup de gens, et il est alors plus facile de laisser tomber une œuvre comme celle-ci.
La commune de De Haan et la province ont payé ensemble 200 000 euros pour cette œuvre d’art. Certains critiques, dont Filip Dewinter et Dries Van Langenhove, se demandent principalement si cet argent a été bien dépensé.
« Il est compréhensible qu’il y ait un regard critique sur la façon dont nous gérons l’argent. Mais si l’on additionne tous les investissements dans l’art et la culture, cela représente un montant marginal dans l’ensemble du budget. Ce devrait en fait être un pluriel.
« À cet égard, nous devons examiner la situation dans son ensemble plus souvent. Que retient-on du XIXe siècle ? Il ne s’agit pas exactement des économies ou des choix électoraux à chaque période gouvernementale. Ce qui nous reste, ce sont les œuvres des grands artistes, les livres importants qui ont été écrits, les bâtiments qui existent encore aujourd’hui. L’art peut aussi nous aider à regarder différemment des événements comme la guerre en Ukraine ou à Gaza. Nous en avons plus que tout besoin aujourd’hui. »