Avec un nouveau gouvernement, le président Macron tente de retrouver un peu de son ancienne verve. C’est un besoin urgent : sa cote de popularité est faible, alors que le Rassemblement National d’extrême droite est en tête pour les élections européennes. Sa stratégie est-elle réussie ?
Le président français est un homme de et meme temps – au même moment. Lors de sa première campagne en tant que candidat à la présidentielle en 2017, Emmanuel Macron a si souvent utilisé le terme qu’il est devenu son surnom. Mais c’était aussi le bref résumé de son idéologie : une position politique médiane avec des solutions pragmatiques dans lesquelles la gauche comme la droite trouvent quelque chose à leur goût.
À l’époque, c’était une démarche innovante et une promesse d’espoir : Macron allait bouleverser le système politique bien établi en France. La question se pose désormais de savoir ce qu’il reste de lui et meme temps. Dans le nouveau gouvernement présenté à la fin de la semaine dernière, les ministres de gauche ont cédé la place à des politiciens de droite au franc-parler, personnalités marquantes de l’époque de l’ancien président Sarkozy. Et la loi controversée sur l’immigration, qui a finalement été testée au Parlement fin décembre après un parcours fou, emprunte des idées à la droite radicale, tandis que d’autres éléments sociaux ont disparu.
Où doit aller la France ensuite ? Sous le plafond doré de l’Élysée, Macron a esquissé cette semaine une réponse à cette question lors d’une conférence de presse qui a duré plus de deux heures. L’accent mis sur l’ordre et l’autorité est frappant : apprentissage de la Marseillaise à l’école primaire, expérimentation de l’uniforme scolaire obligatoire, contrôles aux frontières plus stricts. Tout « pour que la France reste la France », a déclaré Macron – une déclaration souvent utilisée par l’extrême droite pour mettre en garde contre la perte de l’identité française sous la menace de l’immigration.
Une réforme des retraites âprement disputée
Avec un nouveau gouvernement, une grande conférence de presse et un virage à droite, Macron tente de retrouver un peu de sa verve d’antan. C’est un besoin désespéré : son deuxième mandat de président a été difficile depuis le début. Peu de temps après sa réélection, Macron a perdu la majorité absolue au Parlement et la réforme des retraites, âprement disputée, a tendu les relations avec l’opposition.
La loi sur l’immigration a été ajoutée fin 2023, ce qui a également provoqué des divisions au sein de notre propre camp ; Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a démissionné. La cote de popularité de Macron est faible et le Rassemblement national (RN) d’extrême droite est en tête à l’approche des élections européennes de juin.
La question est de savoir si la stratégie de Macron réussit. Le président sait comment attirer l’attention avec le plus jeune Premier ministre de tous les temps, un changement de gouvernement et une longue conférence de presse. « Prendre de l’espace pendant deux heures en prime time, en montrant qu’on y est, est judicieux à l’heure de la surinformation », estime le politologue français Olivier Rouquan. Il doute que le président puisse faire une différence substantielle avec cela. « Macron sait tout sur tout et veut le montrer. Mais cela ne vous donne pas une idée claire de la direction qu’il souhaite prendre.
Avec son virage à droite, Macron répond au mouvement vers la droite des électeurs français, en tentant de mettre un terme au succès du Rassemblement National. Selon Rouquan, cette stratégie est risquée. « Ces dernières décennies, cela n’a fonctionné qu’une seule fois, avec l’élection de Sarkozy en 2007, qui a réussi à séduire une partie de l’électorat d’extrême droite. Cela s’explique en partie par le fait que Jean-Marie Le Pen (alors leader du Front National, prédécesseur du RN, éd.) était à la fin de sa vie politique. En dehors de cet exemple, il s’est avéré pour l’essentiel inefficace.
De plus, la stratégie s’adresse principalement aux électeurs qui voteront réellement, explique Rouquan. « Il y a une grande partie des Français qui s’abstiennent de voter. Ce sont des gens qui se sentent perdus. Certains d’entre eux souhaitent davantage de redistribution sociale, mais ne considèrent pas que cela soit une option sérieuse parmi les partis de gauche. Le virage à droite de Macron creuse l’écart avec l’abandon de ce groupe. C’est un risque majeur, estime le politologue, car le mécontentement cherche souvent un autre exutoire – comme les émeutes dans les banlieues françaises l’été dernier, ou les manifestations des gilets jaunes qui ont duré des mois en 2018 et 2019.
Message de progrès
En tant que plus jeune président de l’histoire, Macron a réussi à séduire en 2017 avec un message progressiste de progrès. Surtout chez les jeunes, où le nombre d’électeurs ayant abandonné est élevé. Selon Rouquan, le fait qu’il jouisse souvent à l’étranger d’une réputation de président moderne et décisif est en partie dû à ses actions au sein de l’Union européenne. « Au niveau européen, cette image est correcte. Mais à l’exception de ses idées sur l’UE, les opinions de Macron sont fluides. Il sait s’adapter en permanence.
Son ton plus conservateur ne devrait cependant pas surprendre. Même en 2017, le ton progressiste contenait déjà une idéologie assez conservatrice, estime Rouquan. Économiquement libéral, avec un accent sur l’ordre et un style de gouvernement vertical. « Pour le président Macron, il n’y a aucune contradiction là-dedans. Cela correspond exactement à son idée et meme temps.’
La question de savoir si cela peut renforcer suffisamment la popularité du camp Macron en vue des élections européennes devrait devenir claire dans les mois à venir. « On voit revenir un certain dynamisme », estime Rouquan. « Macron peut remobiliser une partie de l’électorat plus âgé. C’est nécessaire, compte tenu également des divisions dans son propre camp. Mais peut-être s’agit-il avant tout de limiter les pertes.