Délicieuse folie et une solide solidarité en danse autour de la communauté transgenre ivoirienne

« Pédé, pédé ! Péde, pédé ! Les six interprètes de Prophétique (on est déjà né.es) faire un chant de résistance rythmé des gros mots pour gay, provocateur et combatif. Ce sont certainement ces derniers, les transgenres de Côte d’Ivoire. Dans leur pays, on les appelle les fous, « les folles ». Le jour, elles gagnent leur vie en embellissant les autres dans les salons de coiffure et les salons de manucure, la nuit, elles enflamment la vie nocturne d’Abidjan avec leurs performances captivantes.

C’est comme ça que ça commence Prophétique (on est déjà né.es) par la chorégraphe ivoirienne Nadia Beugré. Au départ, cinq «folles» sont encore affalés, comme s’ils avaient eu une dure journée de travail, dans leurs chaises en plastique blanc. Des perruques, des extensions de cheveux et des trousses de toilette sont suspendus au-dessus de la scène.

Papillons de la vie nocturne

Aux cris entraînants et aux paroles (inintelligibles) du DJ derrière la table de mixage, ils se lèvent, prêts à se transformer comme un papillon pour la vie nocturne du club, dansant, twerkant, voguant, chantant.

Le spectacle était la semaine dernière Lemniskata par le Mexicain Lukas Avendaño au Holland Festival. Il s’agit également d’une communauté transgenre, les soi-disant « muxes » de la région de Tehuantepec. Mais aussi exubérant que Prophétique est tellement discret et mystique Lemniskata (en grande partie), qui renvoie également à des mythes séculaires et, curieusement, semble à peine dire quoi que ce soit sur les personnes transgenres ou le pouvoir féminin. Les «folles» de Beugré sont une solide fraternité solidaire (pensez à la série télévisée émouvante Posesur la sous-culture du bal new-yorkais de la communauté LGBTIQ+ noire et latino) dans une société patriarcale, avec une folie et une insolence merveilleuses.

Raser le scrotum sans vergogne

Pendant une courte pause pendant laquelle les interprètes se désodorisent, se toilettent et se maquillent (l’un d’eux a disparu dans un énorme afro), l’un d’eux se rase le scrotum sans sourciller. Ils se remettent en action au son du Boléro de Ravel, aboyant et grognant cette fois comme des chiens menaçants. Qui ne mord pas bien sûr; ils ont ensuite fait irruption dans la chanson contagieuse ‘Pata pata’ (« Touchez-moi, touchez-moi! ») De Miriam Makeba.

Après cela, l’interprétation devient malheureusement un peu pédante – le bon auditeur attrape même une écaille de Sartre : « putain, c’est les autres ». Cela, combiné aux farces trop somptueuses avec lesquelles Beugré barbouille les scènes, nuit au militantisme déterminé que dégagent les interprètes. La comptine française sur un papillon (symbole de la transformation) chantée vers la fin est un hommage plus subtil au courage que Beugré veut transmettre, une admirable mentalité de mort ou le glaïeul.



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