Bruxelles en désaccord sur les règles de financement du nucléaire


Les commissaires européens sont en désaccord sur l’inclusion de l’énergie nucléaire dans les nouvelles règles de financement visant à stimuler les industries vertes dans l’UE à peine 48 heures avant l’annonce de la législation.

La fission nucléaire a été incluse comme une « industrie stratégique nette zéro » dans un premier projet de loi, ce qui signifie que les centrales nucléaires pourraient bénéficier d’une autorisation accélérée, d’une préférence dans les marchés publics et d’incitations fiscales pour stimuler les investissements. Mais la technologie a depuis été éliminée du texte au milieu de discussions animées qui ont révélé des clivages idéologiques selon des lignes nationales au sein du collège des 27 commissaires.

Parmi les promoteurs du nucléaire figuraient la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, et le Français Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, ainsi que huit autres personnes en grande partie d’Europe centrale et orientale, selon des personnes proches des pourparlers.

Dans le camp opposé se trouvaient Frans Timmermans, commissaire européen au climat et ancien ministre néerlandais des Affaires étrangères, et la Danoise Margrethe Vestager, chef de la concurrence du bloc, ainsi que quatre autres commissaires d’Europe méridionale et centrale. Parmi les autres opposants à l’inclusion du nucléaire dans les propositions figurent l’Autrichien Johannes Hahn, commissaire européen au budget, et la Portugaise Elisa Ferreira, commissaire à la cohésion et aux réformes, selon deux personnes au courant de leur point de vue.

Les commissaires restants n’avaient pas encore montré leur main, a déclaré une personne.

Ils devraient poursuivre leurs discussions sur la question jusqu’à la dernière minute, ont déclaré trois personnes. Les responsables ont déclaré que von der Leyen poussait un compromis qui inclurait de petits réacteurs modulaires, mais pas de grandes centrales nucléaires.

Les responsables ont débattu de l’inclusion du nucléaire pendant plus de deux heures et demie lundi soir et n’ont pas réussi à se mettre d’accord, le texte étant toujours ouvert à des modifications avant d’être officiellement annoncé jeudi, a ajouté une personne au courant des pourparlers.

Le Net Zero Industry Act a été précipité dans le processus législatif de l’UE afin de répondre aux 369 milliards de dollars de crédits d’impôt et de subventions annoncés par les États-Unis l’année dernière pour les technologies propres et d’empêcher un exode des entreprises européennes outre-Atlantique.

« Nous devons créer un environnement réglementaire qui nous permette de nous développer rapidement et de créer des conditions propices pour les secteurs cruciaux pour atteindre le zéro net », indique le projet de document.

La France, qui dépend fortement de l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité, pousse depuis plusieurs mois son classement comme combustible bas carbone alors que l’UE élabore des règles pour la transition verte. Des allocations pour la technologie nucléaire ont également été incluses dans les réformes du marché de l’électricité du bloc, annoncées mardi, et les règles de production d’hydrogène renouvelable, en partie sous la pression de Paris.

Mais des pays comme l’Autriche et le Luxembourg sont opposés au nucléaire par principe, créant de nouveaux désaccords avec les États membres si la technologie devait être incluse.

Les diplomates de l’UE ont déclaré que la France avait poussé l’agenda nucléaire à plusieurs reprises lors de réunions sur la politique énergétique et avait tenté de changer le libellé des documents déjà convenus pour garantir que l’énergie nucléaire soit incluse dans les objectifs de production et éligible au financement.

« Le nucléaire est bas carbone. Mais ce n’est pas renouvelable », a déclaré un diplomate. «Ils veulent tout changer en bas carbone. C’est la guerre du côté français.

La question est apparue dans la foulée d’une contestation européenne distincte de l’Allemagne concernant un élément clé de sa législation climatique : une interdiction en 2035 des voitures à moteur à combustion. Plusieurs autres États membres, dont l’Italie et la Pologne, ont soutenu l’Allemagne dans son ultime effort pour bloquer l’interdiction à moins que Bruxelles n’exempte les voitures qui brûleraient des carburants électroniques neutres en carbone. Le demi-tour de dernière minute est considéré comme un signe que les industries automobiles nationales des pays recherchent une concession qui maintiendrait certains moteurs à combustion sur le marché.

La commission a refusé de commenter les pourparlers.

Reportage supplémentaire de Sam Fleming à Bruxelles



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