6 joyaux de l’Atlántida Film Fest 2023 à voir avant la fin


Après avoir passé en revue les films que nous avons trouvés les plus intéressants dans la section officielle du festival Filmin, nous faisons une sélection avec six des titres les plus remarquables du reste des sections.

Flux Gourmet (Peter Strickland)
Strickland ne déçoit pas. Après s’être fait connaître avec le fascinant ‘Berberian Sound Studio’ (2012), avec une bande son Broadcast; émerveillez-vous devant l’hypnotique « Le duc de Bourgogne » (2014), sur une musique de Cat’s Eyes ; et bouleversé (pour le mieux) avec le surprenant ‘In Fabric’ (2018), mis en musique par Cavern of Anti-Matter (le groupe de Tim Gane de Stereolab) ; présente dans Filmin (il ne sortira pas en salles, pas plus que ‘In Fabric’) un nouvel échantillon de son style hétérodoxe et de son univers très personnel.

Dans « Flux Gourmet », mis en musique par le propre groupe du réalisateur, The Sonic Catering Band, Strickland embrasse carrément la comédie. Le film est la chronique des troubles digestifs, des flatulences, d’un humble journaliste qui travaille à documenter le travail d’un collectif artistique voué à l’expérimentation du concept de « cuisson sonique ». Humour noir et grotesque, satire à la Ruben Östlund dans ‘The Square’ (2017), eschatologie, exploration des dynamiques de pouvoir, philosophie grecque… Tout cela articulé à travers une mise en scène stylisée et une conception sonore et costumière sensationnelle. . Comme dit : Strickland ne déçoit pas. 8.

Beaux êtres (Guðmundur Arnar Guðmundsson)
L’Islandais Arnar Guðmundsson a déjà démontré dans son premier film acclamé « Heartstone, hearts of stone » (2016) son énorme capacité à diriger de jeunes acteurs et à capter les sentiments et les émotions associés à l’univers adolescent. ‘Beautiful Beings’ pourrait être vu presque comme sa suite (même l’affiche se ressemble). Là encore, il raconte une histoire d’initiation et d’amitié entre plusieurs garçons marqués par le milieu familial difficile dans lequel chacun vit. Un climat d’extrême violence domestique et d’abandon reflété par le réalisateur -qui s’est basé sur ses propres expériences de jeune homme dans les années 90- avec une grande force dramatique.

Tourné caméra au poing, nerveux et proche, à la recherche du physique des personnages, « Beautiful Beings » explore les relations entre un groupe d’adolescents, mettant l’accent sur l’amitié qui se crée entre eux. Un sentiment de fraternité, de fraternité de fer, qui sert de refuge, de lieu pour se sentir en sécurité et accompagné. Bien que le film soit narré avec un naturalisme brut et brutal, Guðmundsson le brise de temps en temps en incorporant des éléments oniriques qui fonctionnent comme la visualisation des peurs de l’un des protagonistes. Une caractéristique qui le relie à un autre « passage à l’âge adulte » notable vu dans la section officielle : « Falcon Lake ». 8.2.

Vera (Tizza Covi, Rainer Frimmel)
Vera Gemma est une sorte de Belén Esteban italienne. Star de la salsa et de la télé-réalité, à la prestance saisissante et au visage déformé par le scalpel, célèbre pour être la fille du sex-symbol et icône du western spaghetti Giuliano Gemma. « La pauvre, comme son père était beau », dit Vera, qui l’a entendu des milliers de fois dans sa vie. Grandir dans l’ombre d’un parent beau, célèbre et talentueux est l’un des thèmes explorés dans cet hybride très intéressant entre fiction, autofiction et documentaire, réalisé par le couple de cinéastes italo-autrichiens Tizza Covi et Rainer Frimmel.

L’autre thème, développé dans une intrigue fictive, nous parle également des relations parents-enfants, mais cette fois marquées par la pauvreté, l’éclatement familial et la petite délinquance. Le chauffeur de Vera renverse un petit garçon, fils d’une famille modeste, et la célébrité décide de prendre soin de lui. Ces deux axes argumentatifs et formels se mêlent et se confondent pour donner forme au portrait de Véra. Un portrait dans lequel on devine, plutôt que de découvrir, la personne derrière le personnage. « Vera » est un exemple qu’il peut y avoir plus de vérité dans la fiction que dans la fausse réalité de la célébrité. 7.9.

Émeutes (Cyril Schäublin)
Sorti en secret dans les salles en début d’année, ‘Riots’ est l’une des grandes surprises de cette année. Le film du réalisateur suisse Cyril Schäublin est une réflexion fascinante sur la conception capitaliste du temps et du travail à travers la recréation du voyage de Kropotkine dans une ville horlogère de Suisse en 1877. L’endroit où, selon ses mémoires, il décida d’être anarchiste. Le réalisateur, issu d’une famille d’ouvriers horlogers, incarne l’énergie intellectuelle et émotionnelle du mouvement anarcho-syndicaliste en réponse aux abus croissants des patrons d’usines horlogères.

Le réalisateur s’éloigne des clichés de l’anarchisme au cinéma (ici pas de barbus lanceurs de bombes ni de proclamations complaisantes) pour proposer un essai historique passionnant, formellement très stimulant (la plupart sont des plans fixes avec des personnages situés en marge de le cadre), sur les transformations sociales de la fin du XIXe siècle liées à l’impact de la technologie. 8.3.

Mourir à Ibiza (M. Eustachon, L. Couture, A. Balekdjian)
Le séminal « Pauline sur la plage » (1983) a engendré une tradition fertile de films avec des romans de plage aussi légers et évocateurs que la brise marine au coucher du soleil. Fils et filles d’Eric Rohmer tels que Guillaume Brac, Mia Hansen-Løve, Emmanuel Mouret, Hong Sang-soo, Jonás Trueba… A qui il faut maintenant rejoindre ce trio de réalisateurs et leur Rohmerien au coeur de ‘Morir en Ibiza’.

Tourné à deux duros, avec de nouveaux comédiens et sur trois étés -dans l’Arles « romaine » et picturale, l’Étretat normand et ses fameuses falaises, et sur la côte d’Ibiza-, ‘Die in Ibiza’ est un cinéma guérilla où l’improvisation, le bon les idées narratives et l’immédiateté séduisante de son agencement formel dépassent le manque évident de moyens. Le film est un(des) conte(s) d’été romantique(s), rafraîchissant comme un plongeon dans la mer et mélancolique comme le dernier jour de vacances. Une histoire d’amour et d’amitié ponctuée de moments musicaux qui donnent au film un charme tout particulier. Toute une découverte. 7.9.

Lune rose (étage van der Meulen)
Euthanasie et relations parents-enfants. Cette combinaison aurait pu être une bombe mélodramatique. Cependant, entre les mains de la débutante dans la fiction, Floor van der Meulen (elle a réalisé plusieurs documentaires), il devient une tragi-comédie prodigieuse sur la décision de mourir (d’un père de famille de 74 ans en bonne santé) et l’acceptation des désirs des autres, peu importe combien ils blessent (la fille, qui fera tout son possible pour l’éviter).

Le réalisateur néerlandais amène à table des thèmes d’une grande profondeur émotionnelle en utilisant un ton léger, à la manière d’une comédie trentenaire immature. Ce contraste fonctionne à merveille, offrant un bel équilibre entre le comique et le tragique, entre le côté le plus fonctionnel de la vie et le plus transcendantal. Dire que le titre du film fait référence à la célèbre chanson de Nick Drake, appartenant à son dernier album avant de se suicider. 7.5.



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