Y aurait-il un démagogue libéral ?


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Mais j’ai fait toutes les bonnes choses, est en droit de plaider Ron DeSantis. J’ai étudié dur. Je me suis marié et je suis resté marié. J’ai refusé le droit commercial pour servir la république en tant que défenseur de la marine. J’ai tourmenté la gauche culturelle en tant que gouverneur d’un grand État. La National Rifle Association m’a noté A+. J’ai proposé aux conservateurs l’essentiel du Trumpisme, mais en mieux exécuté. Pourtant, je me tiens là, abandonné. Pourquoi, les Républicains, pourquoi ?

Parce que beaucoup d’électeurs, de droite ou de gauche, et en particulier les plus engagés, ne viennent pas en politique pour des idées. Ce dont ils ont envie, c’est d’appartenir. (L’appartenance qui provenait autrefois d’une église, d’un employeur de longue date ou d’une ville homogène.) C’est pourquoi, à partir de l’opinion d’une personne sur Israël, vous pouvez extrapoler sa ligne sur les impôts, l’avortement, l’Ukraine et d’autres choses diverses. Ils ont rejoint une équipe et en ont tiré leurs convictions comme une sorte de logiciel groupé. La joie réside dans l’adhésion, pas dans la doctrine. Personne n’allait faire bouger les membres de l’équipe Trump, pas même un puriste de droite.

La seconde venue de Trump est un frein. Mais c’est aussi l’occasion de poser une question qui me taraude depuis des lustres.

Peut-il exister un démagogue centriste ? C’est-à-dire un politicien conflictuel et même imprudent dans sa manière, mais orthodoxe dans son contenu ? Est-il possible d’utiliser les méthodes de Trump pour vaincre ses objectifs ? Ou la modération populiste est-elle un échec conceptuel ?

Je pense à Joschka Fischer, le vieux vert allemand. Il a anticipé l’ère Trump dans la mesure où il était populaire à cause, et non malgré, de sa belligérance citable (« Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur le Président, vous êtes un connard ») et de ses peccadilles. Mais sa politique ? Le centre-gauche du tournant du millénaire. Il était pour l’OTAN, pour des règles plus souples en matière de visas et – tout à fait un adversaire pour ses collègues pacifistes – pour le bombardement de la Serbie. Son reproche à l’intégration européenne était qu’elle n’existait pas davantage.

Mais il était alors le cadet d’un gouvernement de coalition. Il nous faudra un autre précédent. Il y a Rahm Emanuel, un démocrate intermédiaire avec un style de tison. Un autre Emmanuel – Macron – est encore plus proche du but. Lorsque les vaccins contre le Covid-19 sont apparus, il a juré de emmerder ceux qui ont refusé de les prendre. (Le verbe se traduit par quelque chose comme « bouleversé », mais cela ne rend pas justice à sa grossièreté scatologique). Il a ensuite eu recours à une stratégie constitutionnelle provocatrice pour imposer une réforme des retraites. Des méthodes impitoyables et incendiaires. Des fins centristes, presque baigneuses.

Peut-être qu’aucun de ces dirigeants ne l’est vraiment. Mais j’ai l’impression que le libéralisme dans son style actuel – apologétique, s’engageant toujours à répondre aux « préoccupations très réelles » concernant telle ou telle chose – a suivi son cours.

Comment un démagogue libéral pourrait-il agir ? Tout d’abord, il ou elle soulignerait, sans détour, que les grandes villes paient les factures de leur pays. Il ne faut pas compter sur les transferts fiscaux que ces régions envoient à des régions qui les considèrent comme étrangères et qui contrecarrent leurs préférences politiques en période électorale.

Dans le même temps, l’extrême gauche ne marchera plus sur des œufs. La pire erreur du libéralisme ces dernières années a été de confier la lutte contre le « woke » à des gens comme Trump. La prétention selon laquelle il ne se passait rien de fâcheux sur les campus et dans les bureaux, qui annulait la culture était une fiction alarmiste, faisait passer les modérés pour des fouines qui avaient peur de leurs propres enfants. (Certains démocrates pensent que le financement de la police leur a coûté une victoire plus importante en 2020). Un démagogue libéral corrigerait excessivement.

Si une telle personne émerge, je regretterai d’avoir soulevé cette idée. L’ordre civique dépend du respect par certains dirigeants des règles du marquis de Queensberry. Je demande simplement si pourrait, cela ne devrait pas arriver. À l’heure où l’on se cherche une tribu (la « famille » est-elle trop freudienne ?), c’est sûrement une trop grande ouverture entrepreneuriale pour la laisser passer. Richard Dawkins maîtrise le libéralisme conflictuel. Peut-être qu’il n’y a pas assez d’électeurs du centre pour répéter l’opération dans le domaine politique. Mais Macron a remporté à deux reprises le plus grand poste élu au suffrage direct dans l’Europe démocratique. Et si les électeurs accordaient autant d’importance à leurs idées, nous nous apprêterions à dire « Président DeSantis ».

Envoyez un e-mail à Janan à [email protected]

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