Vatican, Cardinal Müller (anciennement la Doctrine de la Foi): « Un cercle magique autour de François »


« Il est évident qu’on ne peut pas parler de « dictature », comme cela a été fait dans certains livres plutôt critiques du pape François. Cependant, les effets que produisent certaines orientations ne peuvent être ignorés. Beaucoup de ces choix ont été suggérés au pape par certains de ses très proches conseillers. Il y a une sorte de cercle magique qui gravite autour de Santa Marta composé de personnes qui, à mon avis, ne sont pas préparées du point de vue théologique».

Critique avec le pontificat de François

L’orateur n’est pas n’importe quel théologien traditionaliste nostalgique du rite tridentin, mais un poids lourd de l’Église. C’est le cardinal Gerhard Muller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi jusqu’en 2017, pendant cinq ans, et avant cela archevêque de Ratisbonne, où il a enseigné la théologie. Müller, au terme du quinquennat au sein du Saint-Siège où il avait été appelé par Benoît XVI, n’a pas été renouvelé dans ses fonctions par le pape François. Sans prévenir, précise-t-il. Depuis lors, il a écrit des livres, tenu des conférences et n’a jamais manqué de critiquer le pontificat – il l’a fait même lorsqu’il était en fonction – mais toujours à la première personne, il n’en a pas envoyé d’autres en avant. Il a exposé ses idées sur l’Église et le pontificat dans le livre-entretien « De bonne foi » (Solferino) avec Franca Giansoldati, correspondante au Vatican de « Il Messaggero ». Le dialogue est global sur la religion au 21ème siècle.

Affaire Becciu : « On ne peut pas punir quelqu’un sans preuve »

Il intervient aussi sur l’affaire Becciu, le cardinal à qui le Pape a retiré les prérogatives de la pourpre pour des faits liés à la gestion des finances du Saint-Siège (on suppose) : « On ne peut pas punir quelqu’un sans avoir la preuve de sa culpabilité en main. Cette façon d’agir s’est produite fréquemment au Vatican et elle ne concerne pas seulement le cas singulier de Becciu, mais elle s’est même produite au sein de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lorsque certains prêtres ont été expulsés sans raison, du jour au lendemain. Pour le cardinal Becciu, la question est macroscopique aussi parce qu’elle est amplifiée par les médias : il a été humilié et puni devant le monde sans avoir aucune possibilité de défense. Maintenant, la fin du procès en cours devant le tribunal du Vatican est attendue. Pourtant, la présomption d’innocence devrait s’appliquer à n’importe qui, un droit sacro-saint depuis l’Antiquité romaine », déclare Müller.

Pédophilie, « j’ai été choqué »

L’Allemagne, ainsi que tous les pays du monde – s’interroge Giansoldati – est traversée par le scandale des abus sexuels. Vous qui étiez évêque dans le diocèse de Ratisbonne, avez-vous déjà eu affaire à des cas de pédophilie, les avez-vous déjà dissimulés ? « En Allemagne, nous avons commencé à parler sérieusement de ce problème il y a une vingtaine d’années, même si ce n’est qu’en 2010 que la discussion est devenue assez intense, sous la pression de l’opinion publique. Avant cela, il n’y avait presque pas d’enquêtes préalables dans les diocèses. Même moi, je me suis retrouvé à gérer certains cas, avec l’aide de mes collaborateurs experts, et je l’ai fait en suivant fidèlement le Code de droit canonique. Lorsque les premiers chiffres sur le nombre de victimes à l’échelle nationale ont commencé à apparaître, j’ai été choqué, je n’avais jamais eu la perception d’un tel phénomène, aussi parce que rien ne m’était jamais arrivé de près, malgré des contacts avec des dizaines de prêtres dans ma vie, du séminaire à toutes les autres sphères sacerdotales. L’effet de cette blessure sur les gens est terrible. Je me demande comment un prêtre consacré à Dieu peut frapper des mineurs, des jeunes, les condamner à d’énormes traumatismes psychologiques. Il ne s’agit pas seulement d’un péché grave, mais d’un crime abominable contre la personne ».



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