Une semaine cruciale pour la France et pour l’Europe


Alors que la France entre dans la dernière semaine de sa campagne électorale présidentielle, les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. Si Emmanuel Macron gagne, il sera le premier président français à être réélu depuis Jacques Chirac en 2002. Avec un nouveau mandat, Macron sera en position de force pour faire avancer ses plans ambitieux pour la France et l’UE.

Mais si Marine Le Pen gagne, ce sera un séisme politique pour rivaliser avec le Brexit et l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016. La victoire d’un fervent nationaliste et eurosceptique mettrait en doute l’avenir de l’UE. L’agenda de Le Pen sur l’immigration et l’islam menacerait également la stabilité sociale en France.

Il y a vingt ans, Jean-Marie Le Pen, le fondateur du Front national d’extrême droite, avait obtenu moins de 18 % des voix au dernier tour de l’élection présidentielle. Une génération plus tard, sa fille, Marine, est à portée de main de la présidence – les sondages suggèrent qu’elle obtiendra le soutien d’au moins 45% des électeurs. Le débat télévisé entre Macron et Le Pen mercredi sera crucial, et pourrait encore altérer la dynamique de la course.

Le fait que Le Pen s’en sorte si bien témoigne à la fois de la radicalisation de l’électorat français et de ses propres tentatives réussies pour adoucir son image. Lors du premier tour de scrutin du 10 avril, quelque 57 % des électeurs français ont opté pour des candidats d’extrême droite ou d’extrême gauche.

Ces jours-ci, Le Pen rejette l’étiquette « d’extrême droite ». Comme Macron, elle insiste sur le fait qu’elle n’est ni de gauche ni de droite. Dans sa campagne, elle s’est habilement concentrée sur l’économie et le coût de la vie – se présentant comme la candidate des travailleurs français en difficulté et Macron comme le champion d’une élite métropolitaine déconnectée.

Le Pen a également adouci son style personnel et politique. Elle sourit beaucoup, parle calmement et maîtrise l’art de paraître raisonnable.

En réalité, cependant, l’agenda national et international de Le Pen reste radical, dangereux et incohérent en interne. C’est la tâche de Macron, au cours de la semaine cruciale à venir, d’exposer ces failles.

Le président français devrait notamment être impitoyable en liant son adversaire à Vladimir Poutine. Le Pen insiste sur le fait qu’elle n’a rencontré le président russe qu’une seule fois et que son parti a été contraint d’emprunter de l’argent à une banque russe en 2014 parce qu’il était boudé par les institutions financières françaises. En réalité, il existe des liens idéologiques anciens entre Le Pen et Poutine. Pas plus tard qu’en 2017, elle a cité le président russe comme exemple de son approche de la politique.

Les politiques nationales et internationales de Le Pen sont également truffées de contradictions. Dans son pays, elle propose un mélange populiste classique de dépenses plus élevées, de baisses d’impôts et de retraite anticipée, combiné à du protectionnisme et des restrictions sur la main-d’œuvre étrangère. Ce mélange de politiques nuirait aux travailleurs mêmes qu’elle prétend défendre.

Un élément clé dans l’adoucissement de l’image de Le Pen a été l’adoption d’une approche plus émolliente de l’UE. Aujourd’hui, elle n’est plus partisane du Frexit. Mais son insistance pour que le droit français ait la primauté sur le droit européen équivaudrait à un Frexit sous un autre nom. Les politiques de préférences nationales pour les travailleurs et l’industrie français, si elles sont imposées, sont également clairement incompatibles avec l’appartenance au marché unique de l’UE. Le Pen refuse de reconnaître les conséquences logiques de ses engagements politiques, donc Macron doit la coincer.

Le président français a tardé à commencer sérieusement sa campagne. Il doit utiliser cette dernière semaine cruciale à bon escient.



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