Un poème politique des poètes de la ville d’Anvers ! Ah l’horreur ! Comment osent-ils?

Dave Sinardet est professeur de sciences politiques à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et à l’Université Saint-Louis Bruxelles. Sa chronique paraîtra désormais toutes les deux semaines, en alternance avec celle d’Alain Gerlache.

David Sinardet7 novembre 202203:00

Puis-je me permettre de faire une modeste suggestion au comité chargé de rédiger le canon de Flandre ? Le poète de la ville d’Anvers n’y serait pas dépaysé. Il s’agit d’une tradition littéraire typique de l’espace néerlandophone, organisée pour la première fois à Anvers dans la Flandre actuelle. Les poètes de la ville ont une influence incontestable sur l’image et la vie de la ville de l’Escaut et une image culturelle qui les dépasse de loin.

De plus, ils nous apprennent beaucoup sur les affaires politiques de notre région. Cela est devenu évident le week-end dernier, lorsque la démission des quatre poètes restants de la ville a annoncé la fin de cette belle institution.

Le bal a commencé plus tôt avec le refus par le conseil municipal de «Ransom», un poème qui critique la division des étudiants en filières A et B, après quoi l’auteur Ruth Lasters a démissionné avec indignation.

Pierre d’offense, selon l’échevine de la culture Nabilla Ait Daoud, samedi sur Radio 1 : « C’était vraiment un fait politique. Le poète de la ville n’est pas une plate-forme politique ou un mégaphone et c’est ce qui s’est passé avec le poème de Lasters.

Un poème politique ! Ah l’horreur ! Comment osent-ils?

Cependant, lisez tous les poèmes urbains et vous trouverez souvent au moins autant de politique. Un peu, car selon les mots de l’ancien poète de la ville Peter Holvoet-Hanssen : « Un poème dans l’espace public est toujours politique. » Plus généralement, la culture surgit toujours dans un contexte politico-social auquel elle se rapporte de toute façon. Même ceux qui essaient d’ignorer ce contexte font une déclaration politique quelque part.

Un navire N-VA devrait certainement comprendre cela. Après tout, historiquement, le nationalisme est le mouvement qui lie le plus fortement l’art à la politique : il considère la culture comme un vecteur essentiel de la nation et donc un argument en faveur de l’autonomie nationale. Hendrik Conscience est toujours félicité par le maire De Wever pour cela.

Exiger que les poèmes urbains soient apolitiques, c’est donc nier ce qu’est la culture. Et surtout ce qu’est la politique. Les versets calomnieux n’ont pas été contestés parce qu’ils sont politiquement chargés, mais à cause de la nature de cette accusation. Dans son style maladroit, l’échevine l’a involontairement admis plus loin dans l’interview : « Les thèmes politiques ou sociaux sont certes autorisés, mais nous ne l’avons pas soutenu. »

L’incident était une conséquence prévisible de la décision antérieure de diviser la poésie de la ville en cinq. Un classique politique : si vous voulez fermer quelque chose sans en assumer la responsabilité, creusez-le jusqu’à ce qu’il s’effondre tout seul. Comme le dit le poète démissionnaire de la ville Yannick Dangre : « Un amalgame sans visage est moins menaçant qu’un poète de la ville avec un visage. Le manque évident de soutien et d’intérêt de la part de la ville a fait le reste.

Une autre décision politique qui n’ose pas mentionner son nom est la suppression des fonds de projets d’Anvers pour les arts. Après tout, il faut faire des économies, donc la culture doit aussi faire sa part, semble-t-il. C’est vrai. Mais où couper et où ne pas couper, où beaucoup et où peu, est bien sûr extrêmement politique. Par exemple, le conseil municipal a choisi d’annuler complètement les subventions de projet pendant trois ans, mais en même temps de soutenir un nouveau grand projet de prestige.

Sans nécessairement s’appuyer sur un grand schéma directeur, tous ces choix s’inscrivent dans la vision de la culture de la N-VA. Ce parti préfère se concentrer sur des projets d’envergure, classiques, prestigieux et établis que sur des expressions d’art à petite échelle, innovantes, alternatives, expérimentales et surtout critiques, qu’il perçoit assez rapidement comme une atteinte à ses valeurs. Ce sont peut-être des choix politiques légitimes, mais pourquoi ne pas simplement les prononcer ? Ne pas renforcer la contre-mobilisation ?

Cela a déjà lamentablement échoué. Si telle avait été l’intention, le parti aurait mieux fait de faire appel à un navire culturel un peu plus adepte de la culture. Ou du moins dans la communication politique. Ou du moins en termes politiques. Au début, les navires se sont montrés une cible appropriée, mais peu à peu, Nabilla devient une responsabilité. Pour la N-VA, mais plus encore pour ses partenaires de la coalition, qui subissent davantage de dommages politiques en raison de la rupture de confiance avec le monde culturel. La question de savoir si Open Vld fait toujours partie du conseil des échevins est le plus grand mystère de la ville depuis un certain temps, mais la figure de proue de Vooruit, Jinnih Beels, est aussi, si possible, encore plus compétente en silence que Nabilla.

Cela devient progressivement une division fixe des rôles au sein du conseil municipal, mais cela aussi n’a probablement rien à voir avec la politique.



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