Un nouveau traumatisme sécuritaire déterminera fortement la politique d’Israël envers les Palestiniens


Des jeunes israéliens surpris et abattus par des militants du Hamas lors d’un festival de musique dans le désert. Civils et soldats pris en otages dans la bande de Gaza avec une violence brutale. Une longue liste de morts, du côté israélien elle s’élève à huit cents dimanche soir, plus deux mille blessés.

L’attaque surprise du Hamas qui a débuté samedi matin, dont les images se sont rapidement répandues sur les réseaux sociaux, a provoqué depuis plusieurs jours un profond choc et une profonde confusion en Israël. La menace de roquettes et d’attentats suicides a toujours existé, mais personne n’aurait cru possible une attaque de cette ampleur, sur le territoire israélien. Les images de parapentistes, d’un char capturé et d’un poste de contrôle pris à la frontière avec Gaza ont fait une énorme impression.

Cela ressemble à une répétition de la guerre du Yom Kippour, rien qu’en raison de la date : cette guerre contre Israël a commencé le 6 octobre 1973, il y a exactement cinquante ans. Samedi, lorsque le Hamas a envahi le pays par voie terrestre, maritime et aérienne, c’était le 7 octobre. Et comme en 1973, Israël semble avoir été mal informé des projets d’attaque, alors même que les services de renseignement israéliens sont considérés parmi les meilleurs au monde.

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Il en résulte un nouveau traumatisme sécuritaire qui déterminera dans une large mesure la position d’Israël dans le conflit avec les Palestiniens dans les années à venir. Ou, comme l’a dit ce week-end le ministre israélien Yoav Gallant (Défense, Likoud) : « Nous allons changer la réalité à Gaza pour les cinquante prochaines années. »

L’armée israélienne a tiré sur plusieurs immeubles de grande hauteur dans la ville de Gaza en représailles.
Photo Ashraf Amra / Reuters
Des Palestiniens fouillent les décombres d’une maison détruite après une attaque israélienne à Khan Youris, dans le sud de Gaza.
Photo Ibraheem Abou Mustafa / Reuters
Gauche : L’armée israélienne a tiré sur plusieurs immeubles de grande hauteur dans la ville de Gaza en représailles. Droite : Des Palestiniens fouillent les décombres d’une maison détruite après une attaque israélienne à Khan Youris, dans le sud de Gaza.
Photos Ashraf Amra, Ibraheem Abu Mustafa / Reuters

Raids aériens

La réponse d’Israël sera dure, c’est déjà clair. Lors des attaques sur Gaza dans la nuit de samedi à dimanche, on estime que plus de trois cents personnes ont été tuées côté palestinien, dont au moins vingt enfants. Des bâtiments entiers ont été rasés ou effondrés à la suite des raids aériens. Selon Israël, il s’agit de bâtiments utilisés par le Hamas. Près de deux mille personnes ont été blessées lors de ces attaques.

Dimanche après-midi, l’armée israélienne a continué à combattre dans les zones du sud d’Israël assiégées par les militants du Hamas. Les militants se trouvaient toujours dimanche soir dans plusieurs kibboutzim et dans les villages de Sufa, Holit et Yated, a également confirmé l’armée israélienne. Le porte-parole militaire du Hamas a déclaré que le groupe avait « reconstitué ses forces » sur le territoire israélien, approvisionnant les infiltrés déjà présents.

Israël veut riposter durement, mais est confronté à un dilemme majeur : les militants du Hamas ont ramené un « nombre important » d’Israéliens à Gaza comme otages lors de leur attaque surprise, a déclaré un porte-parole de l’armée israélienne. Le nombre exact d’otages est inconnu, mais les médias israéliens estiment qu’il pourrait y en avoir jusqu’à une centaine. Des femmes, des personnes âgées et des enfants auraient également été pris en otages. Le Hamas veut les utiliser dans le cadre d’un échange de prisonniers. En octobre 2011, 1 027 prisonniers palestiniens ont été libérés en échange d’un soldat israélien, le caporal de réserve Gilad Shalit, kidnappé par le Hamas.

Nous changerons la réalité à Gaza pour les cinquante prochaines années

Yoav Gallant Ministre israélien de la Défense

Lors d’éventuelles représailles, Israël devra tenir compte des otages. Le gouvernement est en partie composé de partisans de la ligne dure qui appellent régulièrement à des mesures dures contre les Palestiniens. Par exemple, en juin de cette année, le ministre Itamar Ben-Gvir (Sécurité nationale, Pouvoir juif) a appelé à une action militaire à grande échelle au cours de laquelle des « milliers » de Palestiniens seraient tués après les troubles en Cisjordanie.

En ce qui concerne Gaza, les politiciens parlent également, par euphémisme, de « tondre l’herbe », c’est-à-dire de limiter le fonctionnement du Hamas par la force militaire. Mais avec le grand nombre d’otages israéliens dans la bande de Gaza, Israël devra agir avec plus de prudence afin de ne pas mettre leur vie en danger.

Un homme pleure l’un des militants palestiniens tués samedi lors de l’attaque contre Israël dans une morgue de la ville de Gaza.
Photo Eyad Baba/AFP
Une femme et son compagnon ont été abattus depuis leur moto par des combattants du Hamas dans la ville de Sderot. Le compagnon est tué, la femme pleure et est calmée par un passant.
Photo Baz Ratner/AP
Gauche : Un homme pleure l’un des militants palestiniens tués samedi lors de l’attaque contre Israël dans une morgue de la ville de Gaza. Droite : Une femme et son compagnon ont été abattus depuis leur moto par des combattants du Hamas dans la ville de Sderot. Le compagnon est tué, la femme pleure et est calmée par un passant.
Photos Eyad Baba/AFP, Baz Ratner/AP

Feu de mortier

Une autre raison pour laquelle Israël agit avec prudence est que cette guerre a le potentiel de s’étendre au-delà de ses frontières. Israël fait déjà face à des tirs de mortier du Hezbollah sur sa frontière nord. Si l’Iran vient également en aide aux deux groupes militants, Israël court le risque d’une bataille multidimensionnelle bien plus compliquée qu’une « simple » attaque contre Gaza.

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C’est une doctrine de longue date en Israël de répondre à la violence des militants avec une force encore plus grande pour les faire taire. En gardant à l’esprit la menace du Hezbollah et de l’Iran, les stratèges militaires israéliens devront se demander si cette tactique reste la meilleure pour empêcher une escalade sur d’autres fronts.

Israël a pour l’instant gagné une bataille : les dirigeants gouvernementaux des pays occidentaux soutiennent unanimement l’État qui a été si brutalement réveillé samedi matin. La porte de Brandebourg s’illumine en bleu et blanc et le drapeau israélien est également hissé au Binnenhof.

Il est vrai que des Palestiniens ont également été aperçus en train de faire la fête, notamment à Londres et à Berlin. Mais cela a suscité une réaction de colère. La tolérance occidentale pour ce type d’atrocités contre les civils israéliens semble limitée.



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