Un éleveur d’oies et un fils de roi, dès que vous apprenez que vous en savez déjà assez : conte de fées ! Et l’opéra Königkinder van Engelbert Humperdinck (1854-1921) raconte bien un conte de fées, mais pas avec une fin heureuse. La musique est belle et l’ensemble, tel qu’il se joue actuellement à l’Opéra d’Amsterdam, est enchanteur.

Peut-être était-ce parce que je lisais la biographie captivante d’Etty Hillesum de Judith Koelemeijer, mais il m’a semblé que ce conte de fées en dit long sur la façon dont les gens sont : à la fois bons et pas dignes de confiance.

L’éleveur d’oies que l’on appelle un enfant royal rappelait beaucoup quelqu’un comme Hillesum, plein de foi dans le bien de l’homme et déterminé à aider les autres, même si cela signifiait sa propre chute. Elle croyait tellement à la liberté intérieure, advienne que pourra, qu’elle n’a fait aucun effort pour se sauver.

Der Tod ne peut pas venir» chante l’éleveur d’oies dans une conjuration, alors qu’elle et le fils du roi n’ont ni nourriture ni abri, et qu’il fait un froid glacial.

Scène de Königskinder de Humperdinck par le Dutch National Opera
Photo Monika Rittershaus

Le fils du roi lui-même est tout aussi impuissant contre les événements que de nombreux compagnons d’infortune de Hillesum à l’époque, et les responsables sont durs et méchants avec eux, et avec tous ceux qui veulent avoir quoi que ce soit à voir avec eux.

Ce sont par ailleurs des gens très ordinaires, qui sont aisés, qui chantent et boivent un verre et espèrent l’avoir encore mieux. Mais ils sont sûrs que tout ce qui ne va pas a à voir avec ces maudits enfants royaux.

Un villageois a dit, lorsque des demandeurs d’asile ont été reçus pendant une semaine dans l’église de notre village : « Ils nous obligent à tout fermer la nuit ». Car il en était sûr : il y aurait du vol. La vie empirerait.

Pas un mauvais homme du tout.

Dans l’opéra, vous voyez comment les gens de la ville courent avec enthousiasme sous un beau tilleul, il y a une grande terrasse, tout le monde est vêtu de blanc, le monde est joyeux et beau et tout va bien et bientôt un roi arrive ! Et puis vient cette éleveuse d’oies naïve avec sa voix douce et son désir de connaître les gens. haha ! Cela arrivera ! Les deux « enfants du roi » bien intentionnés ne sont tout simplement pas lynchés, mais ils sont chassés.

« AZC non ! »

« Sachez ce que vous apportez ! »

Seuls les enfants voient qu’il se passe quelque chose d’injuste, une fille fond en larmes et chante d’une voix d’enfant d’une pureté touchante : « Ils étaient vraiment le roi et la reine ! » Cela rappelle ce moment dans Matthieu : «Wahrlich, dieser ist Gottes Sohn Gesen”.

Après la représentation, j’ai parlé à une connaissance qui avait trouvé tout cela plutôt « improbable ». « C’est aussi un conte de fées, » dis-je bêtement. Mais ce n’était pas du tout la bonne réponse. Ce n’était pas improbable, même si c’était un conte de fées et qu’il y avait des sorts, des malédictions et des enfants de rois.

J’étais impressionné parce que j’avais l’impression d’avoir vu et entendu ce qui me paraissait être la vérité fragmentée en fragments scintillants, en contes de fées trompeurs. La sorcière n’est pas méchante, le bûcheron n’est pas gentil, le musicien n’est pas un dénonciateur, le prince n’est pas un héros, l’amour n’est pas un sauvetage. Tout cela aurait été improbable.

C’était une représentation du monde tel qu’il est. Habillée à son meilleur, sonnant merveilleusement bien, mais pas nécessairement bien.



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