Un an plus tard, ma fille est toujours l’otage du Hamas


Débloquez gratuitement Editor’s Digest

Ma vie s’est arrêtée le 7 octobre 2023. Quand je m’endors la nuit, je vois ma plus jeune fille, Doron, dans mes rêves. Son visage est pâle, ses yeux enfoncés, ses joues creuses à cause de la faim. Ce n’est pas l’image d’elle sur les photographies de notre maison. C’est l’image la plus récente que nous ayons d’elle, diffusée au monde par le Hamas, alors qu’elle est retenue en otage à Gaza depuis un an.

Une année complète ne réduira pas notre Doron à un simple otage. Doron est une fille, une sœur, « Dodo » de ses cinq neveux et amis. C’est une infirmière vétérinaire talentueuse et dévouée du kibboutz Kfar Aza.

Le 7 octobre, Doron a été kidnappée dans son appartement du kibboutz où nous vivions tous. À 10h20, elle m’a appelé et m’a dit que quelqu’un était entré par effraction dans sa chambre. Elle se cachait sous son lit. Dix minutes plus tard, elle a envoyé un message vocal à ses amis – un message qui ne disait qu’une seule chose : « Ils m’ont eu, ils m’ont eu. » Un an plus tard, elle est toujours retenue captive par le Hamas.

Kfar Aza comptait 37 habitants dans son quartier « jeune génération » : un petit jardin bordé de bungalows où vivaient les gens entre vingt et trente ans. C’est sans doute la partie la plus amusante du kibboutz. Il y a toujours de la musique, des barbecues et des jeux. Onze habitants de ce quartier ont été assassinés et sept ont été kidnappés. Les maisons qui appartenaient aux jeunes amoureux de la nature et aux enfants des membres du kibboutz sont aujourd’hui détruites. Un an plus tard, ces structures subsistent telles qu’elles ont été laissées le 7 octobre, un rappel évidé de la communauté dynamique qui y vivait autrefois.

Doron dans une plantation de fleurs dans le sud d’Israël © Document familial

En janvier, des mois après son enlèvement, j’ai de nouveau entendu la voix de ma fille. Cette fois, c’était au plus profond des tunnels, dans une vidéo horrifique publiée par le Hamas, où elle et deux autres femmes otages parlent à la caméra. Elle avait l’air si pâle, si faible, si effrayée, mais vivante. Même si cette vidéo a apporté signe de vie, aujourd’hui, plusieurs mois plus tard, nous nous inquiétons toujours inlassablement. Tout peut arriver à tout moment. Chaque fois que je regarde – ou même que j’y pense – cette vidéo, je suis plus déterminée à me battre pour sa liberté.

Nous savons grâce aux otages revenus qu’il n’y a pas assez de nourriture ni d’eau, qu’ils ne peuvent pas dormir et, bien sûr, qu’ils ne reçoivent pas leurs médicaments. En imaginant ma fille dans ces conditions, j’arrive à peine à respirer. Mais au-delà de toute cette horreur, il y a la violence sexuelle à laquelle elle et les autres femmes en captivité sont confrontées.

Nous avons entendu dire que les jeunes femmes sont suivies partout, y compris dans les toilettes. Des témoignages ont émergé sur des actes dépravés de viol et de torture sexuelle. Cela n’a pas commencé ni arrêté le 7 octobre. Cela place notre peur au premier plan : est-ce que cela arrive à Doron ?

Il n’y a pas de temps. Il y a des otages de notre kibboutz qui sont revenus, mais malheureusement aucun d’entre eux n’a vu Doron. La crainte est que s’ils ne l’ont pas vue, elle soit seule. Le pire, c’est de ne rien savoir d’elle. N’ayant aucun accès, aucun moyen de vérifier qu’elle va bien ou de l’aider.

Pendant une année entière, nous avons participé à des rassemblements, parlé à tous ceux qui voulaient nous écouter et fait campagne pour la libération de notre fille et des autres otages. Ma vie s’est arrêtée le 7 octobre. Je pense constamment à ce que je peux faire de plus. Je ne peux pas m’arrêter et penser à moi et à mes besoins. Ils sont en attente. Annuler. Ce n’est pas le moment de penser à moi.

Je ne comprends pas : comment le monde ne crie-t-il pas à nos côtés ?

Nous devons nous unir en tant que communauté mondiale avec un objectif unique : faire pression sur le Hamas pour qu’il libère les otages et accepte un accord de cessez-le-feu. Seuls des efforts collectifs peuvent faire la différence. Notre appel au reste du monde est de ramener Doron et les autres otages chez eux. Vous êtes notre voix, je vous demande de continuer à la faire écho partout. Tout le temps. Jusqu’au retour du dernier otage.

Pendant neuf mois, je l’ai portée en moi. Je l’ai protégée, nourrie, gardée. Je pensais que je l’amenais dans un monde bon. Mais je n’ai pas pu l’aider quand elle a été kidnappée. Elle était à seulement 10 mètres de moi. J’aurais aimé pouvoir continuer à la garder en sécurité en moi.

Je me souviens des dernières conversations que j’ai eues avec elle. Je veux tellement qu’elle sache que nous nous battons tous pour elle. Doron, s’il te plaît, je t’en supplie, continue de te battre jusqu’à ce que nous puissions t’atteindre.



ttn-fr-56