Les élections en République démocratique du Congo ont été remportées par le président sortant Félix Tshisekedi avec 73 pour cent des voix. Moise Katumbi est arrivé deuxième avec 18 pour cent ; Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix, a reçu moins de 1 pour cent. Les partis d’opposition qualifient les élections de simulacre et n’en reconnaissent pas les résultats.
Après l’annonce des résultats dimanche, l’armée et la police se sont rendues en masse à Kinshasa, la capitale, et à Lumbumbashi, ville du sud du pays, domicile du candidat de l’opposition Katumbi. Il y a eu quelques affrontements et de nouvelles violences sont à craindre dans les prochains jours.
« Nous appelons tous les Congolais à descendre massivement dans la rue pour manifester contre la fraude électorale », ont déclaré les candidats de l’opposition dans un communiqué commun. Le dernier mot appartient à la Cour suprême, qui doit valider le résultat. Cette Cour est pleine de partisans de Tshisekedi et l’opposition ne veut donc pas faire appel et réclame de nouvelles élections.
Avion
On ne sait pas vraiment si, et dans quelle mesure, les élections ont été manipulées dans ce pays de près de cent millions d’habitants. Il ne fait aucun doute que l’organisation était extrêmement mauvaise. Un rapport de quarante mille observateurs des églises catholiques et protestantes conclut qu’un quart des bureaux de vote n’ont pas ouvert et que des violences ont eu lieu dans 152 bureaux de vote. La mission ecclésiale a documenté « de nombreux cas d’irrégularités susceptibles d’affecter la fiabilité des résultats ». Elle a signalé plus de cinq mille incidents qui ont entraîné l’interruption des procédures de vote.
Les deux tiers des bureaux de vote ont ouvert trop tard et dans trente pour cent les machines à voter ne fonctionnaient pas. Les élections ont été prolongées d’un jour par la Commission électorale – ce qui est inconstitutionnel selon l’opposition – et même de plusieurs jours dans certaines régions. Pour l’opposition, ces problèmes font partie d’un plan prémédité de fraude.
Le Congo est quatre fois grand comme la France mais possède un réseau routier aussi étendu que celui du Luxembourg. Le moyen de transport le plus efficace est l’avion ou le bateau et le fait que de vastes zones soient couvertes d’une jungle profonde rend difficile la communication entre les régions du pays. Les élections ont donc toujours été une parodie du désordre qui règne dans ce vaste pays, mais cette fois, le chaos a été extrême.
Fragmentation
Le taux de participation aux élections qui ont débuté le 20 décembre était d’environ 43 pour cent. On estime que 1,7 million d’électeurs dans l’est du Congo n’ont pas pu voter en raison de l’activité de nombreux groupes armés se disputant l’influence et les ressources. Tshisekedi avait promis il y a cinq ans de mettre fin à cette anarchie armée, mais celle-ci s’est en réalité aggravée. Un demi-million de personnes supplémentaires ont été déplacées de leurs foyers ces derniers mois, entraînant le déplacement de sept millions de civils à travers le pays, un record mondial.
Au cours des campagnes électorales, Tshisekedi a porté plusieurs coups sévères contre le pays voisin, le Rwanda, qu’il considère en partie responsable de l’anarchie armée dans l’est du pays. Avec son nouveau mandat, Tshisekedi pourrait commencer à battre encore plus le tambour de la guerre contre le Rwanda. Son problème majeur, cependant, réside dans la faiblesse et la corruption de l’armée nationale, qui n’est pas égale aux forces armées nationales hautement disciplinées du Rwanda.
Dans son langage agressif envers le Rwanda, Tshisekedi peut compter sur un large soutien national. Cependant, ces résultats électoraux montrent également une fragmentation de l’unité nationale. Tshisekedi a reçu de nombreux soutiens dans sa zone résidentielle du Kasaï au centre du pays et à Kinshasa. Son adversaire Katumbi a en revanche attiré des voix dans le sud. Dans l’est et le sud turbulents se trouve l’Eldorado du Congo : des réserves extrêmement importantes de toutes sortes de matières premières, y compris le minerai de coltan, qui contient les minéraux nécessaires à une transition énergétique verte dans le monde.