Trois questions restent sans réponse après les attentats de Bruxelles : « Cette information a fait l’objet d’une enquête mais rien n’a pu être fait avec elle »

Au lendemain de l’attentat du terroriste musulman Abdeslam Lassoued, au cours duquel deux personnes de nationalité suédoise sont mortes et une troisième a été grièvement blessée, trois questions majeures restent ouvertes.

Jeroen Van Horenbeek et Bruno Struys

1. Pourquoi Lassoued n’a-t-il pas été expulsé ?

Lassoued vivait illégalement en Belgique depuis des années, mais ce Tunisien de 45 ans n’a jamais été expulsé du pays. Ce qui est sûr : en novembre 2019, il a demandé l’asile en Belgique. Un an plus tard, en octobre 2020, une décision négative est rendue par le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA). En mars 2021, l’Office des étrangers (DVZ) a ordonné à Lassoued de quitter le territoire.

Après un tel ordre de l’Office de l’immigration, le migrant dispose du temps nécessaire pour quitter volontairement le pays. Le départ forcé n’aura lieu que si l’étranger est arrêté et qu’il apparaît qu’il n’a pas respecté l’ordre de quitter le territoire dans le délai imposé.

Mais dans le cas de Lassoued, il n’a pas été possible de lui remettre cet arrêté, car il s’est avéré que l’homme avait été radié du registre de la population de sa ville natale de Schaerbeek, selon les services de migration compétents. Par exemple, malgré une décision négative en 2020, Lassoued est resté en Belgique.

Renseignez-vous davantage Le matin montre que Lassoued n’a pas été radié à proprement parler, car il n’a jamais été inscrit. Le Tunisien avait fourni une adresse à Schaerbeek à l’Office des étrangers, mais il ne s’est jamais rendu aux services communaux pour se faire enregistrer.

Cela peut être considéré comme une forme de fuite pour éviter son arrêté d’expulsion, et suffit à l’emmener dans un centre d’asile fermé pour le renvoyer en Tunisie. Mais pour ce faire, il devait d’abord entrer en contact physique avec la police.

2. Comment Lassoued a-t-il été suivi par la police ?

Lassoued était connu des services de police belges depuis au moins plusieurs années. Son nom est apparu à plusieurs reprises dans la base de données centrale de la police. Mais il ne figurait pas sur la liste des terroristes suspectés de l’OCAD.

En juillet 2016, le nom de Lassoued était évoqué pour la première fois dans notre pays. Des informations non confirmées ont été transmises par un service de police étranger – on ne sait pas pour l’instant lequel – selon lesquelles le Tunisien avait un « profil radicalisé » et souhaitait se rendre dans une zone de conflit comme la Syrie pour le jihad.

La question de savoir si Lassoued se trouvait déjà en Belgique à ce moment-là reste un point d’interrogation. (Sa demande d’asile n’est arrivée que trois ans plus tard, en 2019.) Quoi qu’il en soit, les services de police belges ont estimé que les informations transmises étaient trop légères pour inscrire Lassoued sur la liste des suspects de terrorisme de l’OCAD en 2016.

« Ces types de rapports étaient nombreux à l’époque (au lendemain des attentats de l’EI dans toute l’Europe, y compris en Belgique, JVH/BST). Il y avait des dizaines de signalements de cette nature par jour », a déclaré le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld). « Ces informations ont ensuite fait l’objet d’une enquête et rien d’autre n’a pu être fait avec elles. »

Lassoued n’est apparu sur le radar de la police belge elle-même qu’après le rejet de sa demande d’asile en 2020. Son nom était alors lié dans la base de données de la police à un séjour irrégulier, des actions suspectes (il aurait été repéré dans une mosquée à Schaerbeek), un trafic d’êtres humains et ‘ sécurité des stands ».

Le lien avec le trafic d’êtres humains remonte à des « informations informelles » selon lesquelles Lassoued aurait fourni un soutien logistique aux migrants traversant la France vers le Royaume-Uni. On ne sait pas exactement de quel type de soutien il s’agissait. Aucun rapport officiel n’a été établi à ce sujet, affirment des sources bien informées.

Le lien avec la « sécurité de l’État » remonte à un procès-verbal établi le 2 août 2023, à la suite d’une plainte. Plus tôt cette année, Lassoued aurait menacé en ligne un résident tunisien du centre pour demandeurs d’asile d’Arendonk. Cet habitant s’est qualifié d’informateur et a qualifié Lassoued de membre d’un réseau terroriste. Selon l’homme, Lassoued était donc en prison dans son pays d’origine.

Après la plainte, Lassoued a été convoqué le 17 septembre pour « arrestation et interrogatoire » par la zone de police locale de Kempen Noord-Oost. C’est ce signal qui a ensuite allumé la lumière à la Police Judiciaire Fédérale d’Anvers. A la demande du service, une réunion (Centre commun d’information) sur Lassoued a été programmée dimanche dernier. Cette réunion aurait normalement lieu aujourd’hui.

Lundi soir, il s’est avéré que les informations fournies par le demandeur d’asile d’Arendonk étaient incorrectes. Lassoued n’a jamais été reconnu coupable de terrorisme en Tunisie. Pour assaut et batterie. Il risquait une peine d’un peu plus d’un an. On ne sait pas quels faits étaient impliqués.

3. Comment Lassoued a-t-il obtenu une arme à feu ?

Une arme d’assaut a été utilisée lors de l’attaque. C’était peut-être un AR-15 ou un M4. Le premier modèle a une réputation sanglante, notamment aux États-Unis. L’AR-15 est connu comme leur arme de prédilection tireurs de massecar il nécessite peu de formation et est facile à obtenir.

On ignore actuellement comment Lassoued a acquis une arme d’assaut. Selon Nils Duquet, directeur de l’Institut flamand pour la paix, il est presque certain qu’il l’a acheté illégalement. L’AR-15 peut être acheté légalement dans les magasins d’armes belges, mais uniquement avec un permis. Le M4 n’est pas à vendre. C’est une arme militaire.

Duquet : « Nous constatons que la disponibilité d’armes illégales a récemment augmenté à Bruxelles. Cette augmentation est liée à la forte demande du milieu de la drogue. Il s’agit souvent d’armes provenant des dépôts de l’ex-Yougoslavie. Pour les armes de la « route de Slovaquie » : armes désactivées en cours de réparation. Ou des armes composites, dans lesquelles diverses pièces d’armes sont combinées.

Le commerce illégal d’armes à Bruxelles a déjà retenu l’attention. Les kalachnikovs achetées dans la capitale ont été utilisées lors des attentats de l’EI à Paris en 2015. Le Plan Canal du ministre de l’Intérieur de l’époque, Jan Jambon (N-VA), s’est alors concentré sur l’exposition de ce marché.

Selon Duquet, sans grand succès. « La lutte contre le commerce illégal d’armes n’est pas une priorité en Belgique. En Europe oui, mais pas ici. Par exemple, la police et la justice effectuent trop peu de recherches balistiques sur les armes saisies auprès de criminels. Si vous réfléchissez à l’origine de ces armes, vous pouvez en apprendre beaucoup. Le plus gros problème est que le service compétent de la police fédérale manque de personnel.»

Selon des sources, seule une poignée de personnes travaillent aujourd’hui au service central des armes à feu de la police judiciaire fédérale (généralement simplement DJSOC-Armes).

La police fédérale elle-même ne souhaite pas encore commenter le dossier Lassoued.



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