Cela ressemblait au cri d’un conducteur qui sent le sol se déplacer sous ses pieds. « Les problèmes du nous demandent des solutions du nous », a déclaré le chef du CDA, Wopke Hoekstra, à propos de la migration lors d’un congrès du parti, quelques jours avant que son collègue Rutte ne doive venir encourager le « nous » chez les voisins dans le besoin.
Ce « nous » a été un peu remis en question, depuis des années maintenant. « Ça ne marcherait pas sans nous », notait Paul Scheffer en 2007 Le pays d’arrivée (une accroche cahoteuse qui sera citée comme devise cinq ans plus tard dans la thèse anti-UE de Thierry Baudet, alors encore dans sa montée nationaliste).
Ce qui est ennuyeux, c’est que certains des problèmes qui nous affectent tous ne demandent pas « nous », mais plutôt « eux » des solutions. Prenez le scandale des prestations, honte au secteur public. La solution ne doit pas venir de « nous » – certainement pas des personnes qui en ont été victimes sans faute de leur part -, mais bien d’un gouvernement, du fisc et des médias qui ont été incités par une prétendue vox populi à une chasse à la fraude avec respect des personnes. Ils doivent travailler différemment, pas « nous ».
Ou le passé de l’esclavage. Les excuses publiques pour cela ne sont pas une « solution en nous », paraphée par chaque Néerlandais (les colères héroïques de la droite crient déjà haut et fort que les désolés ne seront vraiment pas en leur nom). Mais ce n’est pas du tout nécessaire. Le regret n’exprime pas un ‘nous’ ou une ‘volonté populaire générale’ mais l’Etat des Pays-Bas, héritier officiel de ce passé historique.
Ou le battage au radiodiffuseur public. Ils d’Ongehoord Nederland ont créé un gros problème de nous là-bas. Il semble que cela pourrait bien conduire à un plus petit « nous » Hilversum – ou, mieux, à une révision de l’ensemble du système qui doit servir « nous tous ».
Le problème avec le we-talk censé être promotionnel est que ce terrain de jeu rhétorique est depuis longtemps occupé par des forces qui « nous » font appel de manière très différente. La foire spirituelle est une querelle de gourous du complot et d’extrémistes qui nous disent que l’État, de sang-froid ou non, est notre ennemi. Et puis il y a des militants radicaux qui dénoncent que nous « vivons comme si de rien n’était », comme l’a dit un auteur qui prône une action climatique plus dure de Volkskrant. Oui, il suffit de sortir les poubelles tous les jours ou d’aller à une réunion du conseil municipal, comment osons-nous !
Alors maintenant que l’alarme du « nous » se déclenche tous les jours, la meilleure chose qu’un gouvernement puisse faire est d’essayer de nous mobiliser d’une seule manière. C’est comme les citoyens démocrates, qui peuvent être complètement en désaccord – y compris sur nous, eux et vous – mais à qui on peut parfois demander de tracer une ligne. Aux empoisonneurs antidémocratiques, par exemple, qui déclarent la guerre à tout ce qui sent bon, c’est-à-dire à nous.
Sjoerd de Jong écrit une chronique ici tous les jeudis.
Une version de cet article est également parue dans le journal du 10 novembre 2022