En marchant, José se rend compte que trop bien que la naissance et la mort sont comme frère et sœur. Sa propre sœur Els est décédée hier.
Je marche à travers la lande avec mon plus jeune. Il y a un vent fort et chaud qui souffle, portant le parfum de la résine et du thym et quelque chose d’indéfinissable, quelque chose d’épicé-automne en cette belle journée de fin d’été. Un chien s’approche, roux aux oreilles battantes, freine brusquement, fait demi-tour et repart en trombe. Le sable explose et tombe. Je pense à Willem, le chien d’Els, ma sœur.
Le plus jeune et moi marchons d’un bon pas. On se dit peu, on se laisse emporter par le flux de nos pensées. Je pense au moment où le plus jeune est né, un jour d’automne froid et sans nuage, il y a presque 29 ans. Comment alors le monde s’est arrêté et mes sens ont tout capté. Comment ce petit corps chaud et humide a été placé sur mon corps, comment elle a crié, comment je l’ai regardée dans les yeux, je l’ai reconnue, mais pas tout à fait. Un inconnu intime est né de moi. Comment elle sentait la primale.
Aujourd’hui encore, sur cette lande, ça sent le primal. La naissance et la mort sont comme frère et sœur, je pense, ils vont ensemble, reliés par la vie. Point de départ et d’arrivée, mystérieux, incompréhensible, irréversible.
Quelques heures plus tard, je suis chez le coiffeur. Alors qu’Andrea me teint rapidement mèche par mèche et les cache dans du papier d’aluminium, je reçois un texto de mon frère du jardin de l’hospice. Une photo de ma soeur, elle fait la sieste dans son lit dans le jardin, à côté d’elle une table avec un verre de whisky et un cendrier avec quelques mégots.
Je souris. «Je vais descendre fumer et boire», a-t-elle déclaré il y a quelques semaines.
Une demi-heure plus tard, je reçois une autre application et une photo. Je pose ma tête contre la poitrine d’Andrea, mes cheveux pleins de feuilles de papier d’aluminium scintillantes et croustillantes. Elle caresse mon dos de façon réconfortante. Être coiffeur, c’est aussi un métier, je pense.
Un jour plus tard, je pédale à l’hospice pour la dernière fois. De nouveau le vent bruisse dans les marronniers du parc, des feuilles dorées tourbillonnent sur l’herbe. Les dernières fleurs du lilas fleurissent dans le jardin. J’embrasse mes enfants, mes frères, ma belle-soeur, une cousine, des nièces, des copines. Il y a des rires, il y a des pleurs. Une bougie allumée. Un verre se brise sur le sol. Tracas avec un balai.
Puis l’aîné, le plus jeune et moi prenons une profonde inspiration, passons les portes ouvertes dans la pièce. Els est allongée sur son lit, dans le pyjama bleu que ses sœurs lui ont offert le jour de son arrivée. Nous vérifions sous la couverture si elle porte des chaussettes. Comme ma mère, elle voulait des chaussettes chaudes dans son cercueil. Oui, des chaussettes oranges épaisses, elles se colorent bien avec la boite orange dans laquelle elles seront placées plus tard.
C’est Els, indéniablement, et elle a l’air royale. Autour de sa bouche la séquence décisive que nous connaissons si bien. Mais elle est aussi morte, très morte. Devenez un inconnu intime. Secrètement échappé et aucune âme vivante ne sait où aller.
Journaliste et créateur de magazines, José Rozenbroek est un accro de l’actualité. Chaque semaine, elle écrit une chronique pour Libelle sur ce qui la frappe et sur ce qui l’excite.