Total enfile une veste durable, mais le pétrole passe avant tout

Un nouveau nom, un nouveau logo coloré et surtout : une nouvelle stratégie. C’était du moins la promesse que la compagnie pétrolière et gazière française Total a changé de nom il y a plus d’un an pour devenir TotalEnergies, afin de souligner la transition vers un « acteur de classe mondiale de la transition énergétique ».

Un an avant le changement de nom, Total s’était fixé l’objectif d’être neutre en carbone d’ici 2050. Cela est conforme aux concurrents Shell (2018) et BP (2021). Sous la pression des investisseurs, ExxonMobil et Chevron ont également promis qu’elles émettraient « zéro net » de CO2 d’ici le milieu de ce siècle, bien que ces compagnies pétrolières américaines ne comptabilisent pas les émissions des produits vendus tels que l’essence et le diesel.

« TotalEnergies ressent désormais également la pression de certains de ses actionnaires et de la société », déclare l’analyste Elif Binici de l’agence de recherche française AlphaValue. Elle cite un groupe d’investisseurs, dont le fonds de pension néerlandais PMT, qui a exigé lors d’une assemblée générale en mai que Total fixe des objectifs climatiques plus concrets. Binici: « J’attends à nouveau des voix critiques à ce sujet mercredi [als het bedrijf een investeerdersdag organiseert, red.]. Mais pas aussi fermement qu’avant, en raison des préoccupations majeures d’aujourd’hui en matière d’énergie. »

TotalEnergies a investi davantage dans des carburants plus propres au cours des deux dernières années. La multinationale française ne se considère plus comme une compagnie pétrolière classique et construit progressivement un portefeuille plus vert. Pensez à l’hydrogène vert en Inde, à une usine de batteries à Dunkerque en Belgique et à des bornes de recharge à Paris et à Amsterdam. La société a également pris une participation de 50% dans la société américaine d’énergie renouvelable Clearway en mai. Binici : « Mais le retour sur ces investissements n’est pas si élevé pour TotalEnergies. La plupart des investissements dans les énergies propres proviennent de start-ups.

Fin 2021, la capacité brute de production d’électricité renouvelable de TotalEnergies était de 10,3 gigawatts, soit presque le double par rapport à 2020. En comparaison, pour 2018, cette capacité était quasiment nulle. Néanmoins, la part des énergies renouvelables dans le total des investissements réalisés par TotalEnergies reste encore marginale à environ 10 %. « TotalEnergies est plus susceptible d’être en avance qu’en retard », déclare l’analyste énergétique Jilles van den Beukel du Centre d’études stratégiques de La Haye. « Leurs investissements dans les énergies renouvelables sont plus élevés que chez Shell. Total se concentre clairement sur l’énergie solaire, tandis qu’un concurrent comme BP opte pour l’énergie éolienne.

Pendant ce temps, TotalEnergies continue de rechercher du pétrole et du gaz. « Ils jouissent d’une bonne réputation dans le secteur dans le domaine de l’exploration pétrolière », explique Van den Beukel. « Ils osent prendre des risques et sont actifs dans des pays comme l’Angola, le Suriname et l’Ouganda. Le top man Patrick Pouyanné est un vrai oiler : no-nonsense. Il ne se soucie pas beaucoup du politiquement correct. Selon lui, le pompage du pétrole est simplement nécessaire pour le moment et cela sera fait autrement par les compagnies pétrolières étatiques, qui le font moins proprement que Total. »

Comme Shell, TotalEnergies profite cette année à plein des prix élevés occasionnés par la guerre en Ukraine. Au deuxième trimestre, Total a réalisé un bénéfice record de 9,8 milliards de dollars. Cependant, il a dû annuler 3,5 milliards de dollars sur sa participation dans le producteur de gaz russe Novatek après les sanctions occidentales contre la Russie. La société a perdu 7,6 milliards de dollars sur cette participation. Par ailleurs, Total s’est retiré en août d’un champ gazier russe qu’il contrôlait avec Novatek, après un tollé médiatique qu’une partie du gaz serait convertie en kérosène pour les avions de guerre russes. TotalEnergies détient toujours une participation de 16,5% dans Novatek, selon le cabinet d’études FactSet.



ttn-fr-33