Shari Bossuyt (22 ans) est exactement dans la même situation que Toon Aerts (29 ans). Elle aussi a été testée positive pour un médicament contre le cancer, le métabolite du létrozole, et elle clame également son innocence. Les deux se donnent la main à la recherche d’une explication.
La viande, le lait ou les œufs contaminés peuvent-ils expliquer le pool de dopage positif ? Yannick Prévost, gérant à la fois d’Aerts et de Bossuyt, en est convaincu. « C’est une hypothèse pour l’instant et nous devons encore la concrétiser, mais nous pensons avoir une piste. Nous savons que le métabolite du létrozole est utilisé dans la fertilisation des vaches et des moutons depuis 2019 – il existe des études scientifiques à ce sujet – et maintenant nous devons savoir si la technique est utilisée en Normandie, où ils ont tous deux été testés positifs. »
Les enquêtes montrent qu’il sera très difficile de prouver cette hypothèse. « Le létrozole n’est pas disponible dans l’élevage en Belgique », explique Hans Vanloo, vétérinaire et spécialiste des bovins à l’Université de Gand. « Le létrozole n’est pas approuvé pour une utilisation chez les animaux producteurs d’aliments et nous n’avons aucune indication qu’il soit utilisé », a déclaré la porte-parole Hélène Bonte de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Vanloo : « Moi non plus, je n’ai rien trouvé tout de suite en France. Je serais surpris si le létrozole était utilisé.
C’est pourtant la piste que vont suivre Aerts et Bossuyt. Parce que c’est le seul qui reste. L’idée initiale selon laquelle Aerts aurait été testé positif en raison de suppléments nutritionnels contaminés a renoncé à l’entourage. « On a longtemps pensé ça, mais si tous les tests reviennent négatifs, il faut savoir lâcher prise », dit Prévost.
C’est déjà une punition que Prévost ait deux athlètes testés positifs pour le même produit. « Ce sont les premiers cyclistes à être trouvés avec du létrozole. » Il exclut qu’ils aient triché. « C’est logique qu’il y ait un œil critique, mais ce ne sont pas des usagers dopants. Il est clair pour nous qu’il s’agit d’une contamination.
Dans le cas d’Aerts, l’UCI l’a officiellement confirmé : parce que la dose trouvée est si faible, ils supposent une « utilisation non intentionnelle ». Raison pour laquelle Aerts a été suspendu deux ans et non quatre ans. Cette peine peut encore être réduite, mais il doit alors démontrer où et comment l’infection s’est produite. « Et c’est très, très difficile », dit Prévost.
Pendant ce temps, Aerts a été mis à l’écart pendant un an et quatre mois. Parce que les fichiers sont si similaires, c’est peut-être aussi ce qui attend Bossuyt. « J’espère pour le mieux », dit-elle. « Mais je suppose le pire. »
Il y a une autre paille. Prévost a demandé à Canyon/SRAM, l’équipe de Bossuyt, si les coéquipiers qui ont couru le Tour de Normandie souhaitaient remettre un échantillon de cheveux. Si des traces de létrozole sont retrouvées chez plusieurs coureurs, cela appuierait l’hypothèse de la viande ou du lait contaminés. Prévost : « Mais d’un point de vue juridique, ce n’est pas simple. Les filles avec qui quelque chose est trouvé pourraient également être suspendues. Il doit donc être anonyme. Et qui va payer pour ces tests ?
Prévost : « Ce que nous faisons maintenant est en fait un appel à l’aide : aidez-nous ! Nous appelons l’UCI, l’AMA et l’ONAD Flandre à se joindre à nous pour rechercher la cause de la contamination. Et nous espérons que le bon sens, que les autorités se rendent compte qu’il y a un problème sous-jacent ici et qu’une réduction de peine est donc possible.