Temps fort au Festival du Film Fantastique 2024 : « Skunk »


Le Festival du film fantastique se déroule cette année pour la 38ème fois à Berlin, du 4 au 25 septembre. L’accent est mis sur les films fantastiques, d’horreur et de thriller qui s’appuient souvent sur le divertissement et le morbide.

Cette année aussi, certains des films soumis contiennent de la violence explicite et des histoires pas tout à fait sérieuses sur des monstres de toilettes. Des conflits entre lutteurs et satanistes sont également montrés. L’auteur belge Koen Mortier poursuit une tout autre approche. Avec « Skunk », il ose adapter le roman du même nom de Geert Taghon.

« Chaque enfant a une histoire à raconter »

Voilà de quoi il s’agit : Liam (Thibaud Dooms) grandit dans une maison négligée à la périphérie d’une petite ville belge. Il est régulièrement battu par ses parents et enfermé dans la cave, et il est souvent témoin de leurs orgies sexuelles excessives. Son calvaire ne s’arrête pas lorsqu’il se retrouve dans une maison de jeunesse avec d’autres adolescents, dont certains ont encore plus de problèmes de comportement que lui. Le plus dangereux est Momo (Soufian Farih), qui menace ses semblables et veut les rendre dociles. Les trois travailleurs sociaux de l’établissement, Pauline (Natali Broods), David (Boris Van Severen) et Jos (Dirk Roofthooft), tentent d’intégrer progressivement le groupe dans une nouvelle vie apaisée, mais sont confrontés à des accès de colère, des conflits. et… Des bagarres débordées.

S’enfuir n’est pas une solution : « Skunk » montre la dureté du quotidien de jeunes socialement en vue

Depuis son premier long métrage « Ex Drummer » (2007), Mortier a placé à plusieurs reprises les groupes sociaux marginalisés au centre de ses histoires, dont les vies sont toutes caractérisées par la violence, l’exclusion et le stress psychologique. Après les personnes handicapées, les prostituées et les victimes d’agressions, la prochaine figure socialement isolée sur laquelle le Belge se concentre est un jeune maltraité. Avant le début du film, le réalisateur s’est adressé au public du cinéma avec un message vidéo et a clairement expliqué quelle était l’ambition de son travail : « Cela doit provoquer un inconfort et faire penser aux enfants dans le besoin. Ce n’est pas un fantasme. C’est une sacrément dure réalité.

Cette prétention à la réalité est perceptible dans « Skunk ». Le film granuleux de 16 mm et la caméra portative qui se déplace dynamiquement dans les pièces créent une esthétique documentaire qui donne toujours au spectateur le sentiment de voir des gens en mouvement. Ils fuient les autres ou eux-mêmes. Le caméraman Nicolas Karakatsanis s’intéresse particulièrement aux corps, aux visages et aux mouvements de tous les protagonistes et utilise avec parcimonie les panoramas des environs. Les lieux sont mis en scène d’une manière étonnamment discrète, on ne voit souvent que des murs individuels ou des entrées de bâtiments (à l’exception de la maison de Liam) et l’horizon de la petite ville disparaît dans l’arrière-plan flou d’une fenêtre d’hôpital. Dans beaucoup plus de moments, Liam est au centre des plans, ce qui le fait paraître contraint et anxieux. Des images grossièrement composées et des couleurs désaturées reflètent sa tristesse et son désespoir.

« Skunk » dépeint le martyre sans rédemption

Mais Mortier parvient-il également à appréhender de manière adéquate les thèmes difficiles de la maltraitance des enfants, de la destruction de l’existence individuelle et de la réhabilitation ? Le film prend le temps de montrer un kaléidoscope complet de la vie de ses personnages avec de nombreuses séquences courtes. Les jeunes font du sport ou regardent du football ensemble. Ils font du bricolage ou sont censés être sensibilisés au contact des chevaux.

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Une certaine idée est toujours véhiculée dans les sections très courtes : Liam est engourdi émotionnellement, Momo est sadique et les assistantes sociales sont parfois impuissantes. « Skunk » explore la façon dont les jeunes antisociaux cherchent des exutoires à leur frustration. Les flashbacks de l’enfance renforcent encore cette vision déprimante d’une vie sans aucune chance de participation. Le martyre passé entre les parents de Liam, les abus sexuels de Momo dans la pièce à vivre mais aussi la réaction dédaigneuse de Pauline lorsqu’il lui avoue son amour justifient son déchaînement dans les 15 dernières minutes du film.

Cependant, étant donné que la dramaturgie est si discontinue en raison d’instantanés par ailleurs peu connectés, l’escalade finale survient soudainement et semble presque absurde en raison de ses éclaboussures exagérées. « Skunk » fonctionne bien comme film quand il prend le temps de laisser respirer ses personnages. Dans de nombreux cas, cela signifie qu’ils sont simplement désespérés. Il est difficile de ne pas se sentir désolé lorsque Liam laisse échapper ses émotions refoulées pour la première fois lors d’une séance de thérapie et fond en larmes devant Pauline.

Dans ces cas-là, « Skunk » est impitoyable et montre ce qui se passe sans coupures majeures. Le film de Mortier jette un regard sévère sur les profondeurs de l’humanité, mais manque l’occasion de rendre la souffrance de ses protagonistes maltraités et laborieux encore plus tangibles avec des séquences plus longues et plus émouvantes.



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