Symbole au fil des siècles (et récemment attaché avec un gâteau) la Joconde si elle pouvait parler que nous dirait-elle ? L’écrivain Natasha Solomons pose cette question dans son livre


Ccourageuse, révolutionnaire : une femme qui cache derrière son sourire énigmatique une intelligence farouche et un esprit critique raffiné. Au-delà de l’icône, de la légende et du mythe, la voix. La Gioconda parle à travers l’écriture intelligente et fluide de Natasha Solomonsauteur de nombreux romans, dont Le Goldbaum Et La galerie des maris disparusqui revient à la librairie avec Io, Mona Lisa, l’histoire du portrait le plus célèbre que je connaisse au monde mais aussi d’une femme coincée derrière une vitre, seule, regardée mais jamais comprise au fil des siècles.

Natasha Solomons est née en 1980 et vit dans le Dorset avec son mari David, un écrivain pour enfants primé, et ses deux enfants. Ses romans sont traduits en dix-sept langues. (photo David Solomons)

Des études florentines aux cours françaises de Fontainebleau et de Versailles, jusqu’au XXe siècle. Entre inventions géniales, dangers en tout genre et personnages ambigus prêts à tout pour le posséder, Mona Lisa passera de main en main, racontant son aventure et celle de l’humanité. Comment est née l’idée de ce roman ? J’avais fini un roman : d’habitude je commence tout de suite le suivant, je ne peux pas me passer d’écrire. Au lieu de cela, je suis resté coincé. J’avais un vide terrible à l’intérieur. J’avais l’impression d’avoir perdu ma voix. Je me suis retrouvé à regarder des images de la Joconde, debout dans un musée, seule dans son paysage, silencieuse derrière une vitre. J’ai reconnu ma situation en elle, j’ai ressenti une connexion profonde. Et je me suis demandé : que dirait-il s’il pouvait parler ?

Moi, Mona Lisa

Moi, Mona Lisa de Natasha Solomons, Neri Pozza, pages 352, euro 18

Vous vous sentez seul sans écrire ?
La raison pour laquelle j’écris est qu’une histoire nous relie à une autre : dans le noir, elle crée des liens. Lorsqu’un roman est publié, il y a toujours la crainte que le lecteur ne ressente pas d’affinité et qu’il retombe dans le noir. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle je me suis sentie si attirée par la Joconde et par Léonard qui, lit-on dans ses écrits, avait des sentiments similaires. Dans l’art, il faut retenir quelque chose : l’œil du spectateur donne vie à l’œuvre. Le même concept va dans la littérature. Un livre vit avec ses lecteurs mais pour un écrivain c’est un processus terrifiant.

Pourquoi avoir choisi de donner la parole non pas au modèle mais à l’image du tableau ?
Je voulais séparer la Joconde, c’est-à-dire la femme sur la photo, de Lisa del Giocondo, le modèle, parce que c’était intéressant pour moi de réfléchir à la relation entre les deux femmes, la relation entre la femme sur la photo et Léonard , ainsi qu’au fil des siècles entre la Joconde et les hommes et les femmes qui l’entourent l’admirent. Au début, la Joconde regarde Lisa, si timide et pudique, avec horreur. Il la trouve obtuse, banale. Tout au long du roman, il comprend sa souffrance et les terribles pertes qu’il a subies.

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Un roman très différent de ses précédents…
Pourtant, cela me semble plus personnel. J’ai écrit des histoires qui traitent de thèmes qui en surface peuvent sembler très proches de ma réalité, le judaïsme, la famille, mais en Moi, Mona Lisa, il y a mes sentiments, mes pensées, mes questions sur la créativité, ce que cela signifie d’être une femme. , sur le vieillissement. Il me semble que je me suis beaucoup exposé.

Avez-vous déjà posé pour un portrait ?
Chez mes parents, il y a deux de mes portraits. Le premier fait quand j’avais huit ans. Je porte un costume de marin jaune et je ne me reconnais pas du tout. Dans l’autre j’ai 17 ans. Je suis aux côtés de ma mère et de ma sœur. Je porte une minijupe très courte et un tee-shirt décolleté. Je me souviens que mon père avait demandé à l’artiste d’allonger la jupe. Quand je regarde ce deuxième tableau, je me sens à cet âge-là, rebelle, déterminé. Il est accroché à côté d’un portrait pris à Berlin au début de la guerre quand ma grand-mère avait dix ans. Elle ressemble beaucoup à ma fille. Il est étrange de penser que ces portraits vivront beaucoup plus longtemps que nous tous.

Maintenant que le livre est terminé et que son histoire a été racontée, quelle est votre impression de La Gioconda ?
C’est un chef-d’œuvre que je commence seulement à comprendre. C’est intéressant ce qu’il se souvient et comprend ensuite. Et c’est pour moi une joie inattendue, le livre est fini mais la Joconde reste. Au contraire, c’est comme si la vraie image m’était rendue, dans toute sa splendeur, loin des mille reproductions, affiches, mèmes, tee-shirts, torchons qui nous la présentent sans cesse. Elle, la femme un peu rebelle, révolutionnaire, qui regarde directement qui la regarde, sans jamais baisser les yeux.

iO Donna © REPRODUCTION RÉSERVÉE



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