Sur notre rayon ce mois-ci huit histoires à déguster sereinement une page à la fois


LErencontre d’un adolescent avec un ancêtre à travers un miroir. Huit jeunes boxeuses prêtes à se défier. La vie dans un village isolé du Pays de Galles renversé par l’arrivée de quelques savants.

Et puis la fin tragique de 50 enfants dans une école d’un village de Biscaye. Un chevet dans Des Pyrénées où réalité et fantasmagorie s’entremêlent continuellement. Le mal-être d’un jeune adulte qui refuse de grandir.

Et encore, l’aventure audacieuse d’un aspirant au suicide (mais avec style) et enfin le journal intime de l’écrivain Rosella Postorino.

Sur notre rayon ce mois-ci huit histoires à déguster sereinement, une page à la fois.

Elizabeth par Ken Greenhall

Le miroir est un banal morceau de verre ou plutôt un lieu mystérieux où l’on peut voir le reflet de ceux qui nous ont précédés ? Dans cette histoire très noire, fascinante et repoussante comme le vertige, l’adolescente Elizabeth “connaît” un de ses ancêtres caché derrière la surface froide et brillante d’un miroir: elle s’appelle Frances, c’est une sorcière capable de partager ses pouvoirs surnaturels avec Elizabeth. Entre crapauds, serpents et sortilèges, l’élève talentueux surpassera le professeur. Parce qu’elle est douée d’une créativité et d’un sarcasme mordant qui expose toute l’hypocrisie du monde adulte, convaincue que “leur conscience du mal se limitait à ce qu’ils lisaient dans le journal du matin”. Plutôt…
MGL

Élisabeth de Ken Greenhall, Adelphi, 173 pages, 18 €

La vie entre les mains de Rita Bullwinkel

Cela semble quelque peu excentrique d’écrire sur boxe féminine. Au lieu de cela, il nous plonge dans une Amérique de normalité absolue – entre fermes, gymnases, pharmacies, bureaux administratifs, familles moyennement brisées, grands-mères attentionnées – ce roman qui mêle le présent et le futur de huit « Filles d’Amérique » de moins de 18 ans sont arrivées de tout le pays pour concourir avec des gants dans un gymnase anonyme à Reno. Je suis là pour gagner, peut-être. Mais surtout pour rivaliser avec eux-mêmes, et avec le pouvoir qu’ils peuvent exercer sur les autres dans un espace, le ring, où les mâles, et les adultes en général, ne comptent pour rien. Ils sont confus, déterminés, motivés par l’ambition des autres ou désespérément seuls. Surtout, ils sont difficiles à oublier.
KG

La vie entre tes mains de Rita Bullwinkel, Bollati Boringhieri, 224 pages, 17,50 €

L’odeur froide de la mer par Elizabeth O’Connor

Sur une île isolée au large de Pays de Galles, la vie s’écoule hors du temps pour douze familles. Manod, une jeune fille sans mère de dix-huit ans, fait partie de la communauté avec son père et sa sœur. L’existence est marquée par le rugissement de l’océan et le passage des homards et des harengs qui permettent aux insulaires de survivre. Nous sommes dans les années 40 et deux anthropologues qui souhaitent écrire un livre arrivent pour documenter ce mode de vie. Manod devient leur interprète du gallois. Leur relation va d’un enthousiasme initial à une fracture irréparable. O’Connor, dans ses débuts littéraires, utilise un langage sobre mais très efficace, en phase avec la dureté de ces îles. Pour l’inspirer, il y a aussi l’histoire vraie d’un documentaire tourné dans l’archipel de Aran, qui dépeint la population locale de manière fausse et mystifiée.
Maria Tatsos

L’odeur froide de la mer de Elizabeth O’Connor, Garzanti, 204 pages, 22 €

L’enfant de Fernando Aramburu

En 1980, un terrible accident choque l’Espagne et le Pays Basque: 50 enfants sont morts dans une explosion de gaz dans une école Ortuella, un village de Biscaye. Aramburo s’inspire de cette tragédie qui, dans une ville de huit mille habitants, a effacé une génération entière. L’un d’eux, Nuco, six ans, raconte l’histoire à travers les membres de sa famille qui vivent chaque jour son absence irréparable. Son grand-père Nicasio, dans sa tête, continue de jouer avec lui, sa mère Mariaje témoigne, des années plus tard, comment la famille a explosé et avoue les non-dits de son mariage avec le doux José Miguel… La plume comme un scalpel, Aramburu nous livre un roman d’une énorme densité émotionnelle, nous emmenant dans le quotidien qui suit une grande perte, le transformant en allégorie d’un anéantissement collectif.
MGL

L’enfant de Fernando Aramburu, Guanda, 272 pages, 18 €

Je t’ai donné mes yeux et tu as regardé l’obscurité d’Irène Solà

Le troisième roman de la jeune auteure catalane Irene Solà ne déçoit pas les attentes et devient encore plus sophistiqué et dense. Dans une ferme des Pyrénées, au chevet de Bernadeta aujourd’hui sur le point de mourir, Magarida prieque nous découvrirons est le fantôme de la mère, puisque réalité et fantasmagorie s’entrelacent continuellement dans le livre. D’autres présences circulent autour d’eux les femmes, fruit d’une lignée issue de Joana, la matriarche, qui a conclu un pacte avec le diable avoir un mari et en paye les conséquences avec sa lignée. L’agonie durera une seule journée, divisée en six chapitres, qui traversent le temps et, en même temps, le folklore et les légendes lointaines d’un pays.
Giulia Calligaro

Je t’ai donné des yeux et tu as regardé dans l’obscurité de Irène Solà, Mondadori, 156 pages, 18,50 €

Le mal qui n’existe pas de Giulia Caminito

Le « mal qui n’est pas là » s’empare Loris, 30 ans, précaire dans la vie et au travail. Cela le pousse à faire des déplacements inutiles aux urgences, où ses demandes répétées de tests et de contrôles se traduisent par une prescription d’anxiolytique, et il cela vous éloigne de ce que l’âge adulte implique : l’argent, la vie sociale, un emploi stable, un logement.. En échange, il l’isole dans une enfance éternelle, parmi les souvenirs de la vie à la campagne avec le grand-père Tempesta, et la compagnie complice d’un ami imaginaire au nom de Catastrophe et au look caricatural. Dans ses nombreuses obsessions, notamment celles de statut – il veut à tout prix travailler dans le domaine de l’édition – Loris est l’espion d’un mal-être qui dépasse son identité de personnage. En équilibre sur une fin qui rend l’histoire plus intéressante.
KG

Le mal qui n’est pas là de Giulia Caminito, Bompiani, 270 pages, 18 €

La magie des mauvais moments par Alison Espach

Phoebe Stone arrive, très élégante, dans un hôtel luxueux du Rhode Island où est sur le point d’avoir lieu le mariage de l’héritière Lila avec un médecin veuf. Mais Phoebe n’est pas là pour eux : son mari vient de la quitter et elle a l’intention de se suicider à l’endroit où ils avaient prévu une soirée d’huîtres et de champagne ensemble. Disparaître avec style. Avaler l’analgésique de son chat. Lila, cependant, n’a pas l’intention de gâcher la fête scintillante… et recrute Phoebe comme demoiselle d’honneur. Entre gags humoristiques (un oreiller sophistiqué parfumé au melon est transmis d’un invité à l’autre), l’histoire de Phoebe se dévoile, sa lutte pour tomber enceinte, sa relation avec son mari et sa nouvelle petite amie. Après tout, le mariage dont nous parlons est le sien… Et on peut aussi se sortir des plus profondes déceptions grâce à des rencontres fortuites.
MGL

La magie des moments n’est pas de Alison Espach, Bollati Boringhieri, 384 pages, 19 €

Dans les nerfs et le cœur de Rosella Postorino

Adolescent, il croyait qu’écrire était un désir arrogant qui devait être secrètement assouvi. Mais Rosella Postorino, de sa plume obstinée, n’a jamais cessé de retracer son inévitable destin qu’elle tient aujourd’hui dans un journal.. Des pages intimes, qui préservent les racines des peurs et des insécurités, s’entrelacent avec des paragraphes d’histoire, marqués par des injustices et des dilemmes éthiques. Du nid familial, où elle a accumulé pudeur pour indits, elle erre vers l’ailleurs, flanquée d’un peloton imaginaire de femmes qui revendiquent le droit à l’imperfection. Ensemble, ils scrutent le monde en réussissant l’examen le plus difficile : celui de l’apprentissage de la vie.. Gratuit, toujours.
Gabriella Cantafio

Dans les nerfs et dans le coeur de Rosella Postorino, Solferino, 224 pages, 17,50 €



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