Steven Wilson se montre complètement détendu et confiant lors de la présentation de son nouvel album solo, « The Harmony Codex ». Après avoir passé toute sa vie à adorer les disques Pink Floyd de son père, les disques de Giorgio Moroder de sa mère, à jouer dans un groupe de « rock progressif » comme Porcupine Tree, uniquement fasciné par la musique électronique éditée par l’iconique label WARP, l’artiste rassemble tout cela dans un album qui sonne comme un voyage sonore. D’une durée de plus d’une heure, bien qu’il ne contienne que 10 titres, ‘The Harmony Codex’ s’enrichit d’autant plus qu’il s’emmêle dans de longs instrumentaux créés avec des synthétiseurs.
Les percussions fournies par Pat Mastelotto ainsi que les boîtes à rythmes de Jack Dangers font de l’intro de 7 minutes ‘Inclination’ une folie totale. Une épicerie fine entre jazz, kraut et quelque part au Moyen-Orient qui nous plonge dans cette « brume » dont nous parle alors l’acoustique ‘What Life Brings’, dans cette « brume » qui peu après nous raconte ‘Economies of Scale’ , ce dernier avec de beaux refrains dépassant la limite de l’aigu.
Mais ce sont les 11 minutes de ‘Impossible Tightrope’ qui laissent à nouveau la bouche ouverte, passant des cordes façon bande-son des premiers instants au développement des saxophones, violons, batterie… Une production rythmée, et sans doute celui qui contient le mieux l’esprit science-fiction du titre. Steven Wilson lui-même a publié l’année dernière un livre intitulé « Limited Edition of One » et l’une des histoires est celle qui a donné son nom à cet album, traitant d’un père, de deux fils, d’un terroriste et d’un destin incertain. Bien que les textes de l’album nous parlent de manière très abstraite et peu concrète, ouverts à l’interprétation, sur la religion, le passage du temps ou l’existentialisme, ce titre presque instrumental nous entraîne pleinement dans cette histoire paranoïaque qui borde cet album, sans que l’artiste le veuille. donnez-lui un sens narratif ou chronologique.
« The Harmony Codex » capture ce monde apocalyptique qui n’est plus futuriste parce que nous l’avons déjà vécu, à travers une série de productions empreintes de destruction, de terreur et aussi d’espoir. ‘Rock Bottom’ en parle explicitement, l’un des morceaux dans lequel on remarque que Steven Wilson s’est lié d’excellents amis avec la chanteuse Ninet Tayeb. C’est l’une des productions où il est logique que son CV avec le rock progressif survive, et elle est pleine de -cet- espoir. « Ne perdez pas espoir, restez en vie », répète-t-il.
Avec la piste 7, nous assistons à une autre incroyable montagne russe d’émotions, le titre est coupé, et ici la sensation de fantaisie onirique est à nouveau enivrante. Cette fois, on parle de Londres et des lumières de mille villes, d’imposants bâtiments dans des lieux lointains. Mais elle se définit comme une observation depuis l’extérieur de la Terre, captivante par l’évocation de milliards de galaxies, de millénaires d’histoire, d’étoiles, de rêves oubliés et perdus.
Face à des œuvres aussi complexes, le côté plus « pop » de l’album brille un peu. Si l’ambiance entre trip hop et post-grunge de ‘Beautiful Scarecrow’ suscite déjà certains doutes, la recréation du son Tricky n’est pas très d’actualité dans ‘Actual Brutal Facts’. Steven Wilson a pris un pari en plaçant un morceau aussi important que « The Harmony Codex » n’importe où sur cet album, et derrière lui, il n’y a pas un tel niveau de fascination. Entre références à notre dépendance au téléphone portable, à notre besoin d’appartenir à une communauté, à notre goût de trébucher deux fois sur la même pierre, ‘Staircase’ clôt un album suffisamment complexe pour avoir permis une écoute en Dolby Atmos dans des espaces de luxe. Steven Wilson rêve de faire des performances live uniquement dans des endroits dotés de la meilleure technologie. Quelque chose seulement à la portée d’une tête capable de contenir des milliers de types de sons.