Souvenirs nazis et armes artisanales : que conclure de la troublante découverte de Diepenbeek ?

Après l’arrestation de deux personnes d’une vingtaine d’années dans notre pays dans le cadre d’une enquête sur le terrorisme d’extrême droite, le réseau néo-nazi The Base revient sur le devant de la scène. « La Base, tout comme la Division Feuerkrieg et la Division Atomwaffen, appartient à une nouvelle génération de groupes, principalement actifs sur Internet. »

Éline Bergmans

Sur sa page Facebook, Daan C. ne cache pas ses sympathies nationalistes. La tour de l’Yser est à l’honneur, C. publie des vidéos de soldats allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et apprécie les activités du projet Thulé, fondé par le tristement célèbre extrémiste de droite Tomas Boutens.

Limburger C., 23 ans, a été arrêté la semaine dernière dans le cadre d’une action internationale contre le terrorisme d’extrême droite. Lors de perquisitions dans sa ville natale de Diepenbeek, de grandes quantités de souvenirs nazis ont été trouvées, ainsi que du matériel pour fabriquer des bombes artisanales et des cocktails Molotov et des instructions pour fabriquer des armes à feu avec une imprimante 3D.

Sa petite amie Kayley W. (20 ans) a également été arrêtée, mais la jeune femme a été libérée sous conditions. Le couple d’une vingtaine d’années serait lié à The Base, un groupe néo-nazi fondé aux États-Unis en 2018 et qui veut créer un ethno-État blanc par la violence. Des mesures ont été prises non seulement en Belgique, mais également en Croatie, en Allemagne, en Lituanie, en Roumanie et en Italie.

« Il fait partie de la nouvelle génération de groupes néo-nazis qui existent principalement en ligne », explique Annelies Pauwels, chercheuse en terrorisme à l’Institut flamand pour la paix. « Ils utilisent l’accélérationnisme, qui poursuit le chaos et une guerre raciale dans le but ultime de remplacer la démocratie par un ethno-État blanc. C’est un groupe connu pour glorifier la violence.

Est-ce la première fois que The Base apparaît dans notre pays ?

Pauwels : « C’est difficile à dire, car The Base est avant tout un réseau en ligne d’individus et de petites cellules qui sont en contact les uns avec les autres. Pour cela, ils utilisent différentes plateformes : en groupes fermés, par exemple, ils échangent des manuels pour imprimer des armes en 3D et tentent d’en recruter d’autres par les canaux traditionnels. Cela rend très flou l’ampleur de leur soutien.

« Aux Pays-Bas, deux hommes ont déjà été condamnés en 2021 pour avoir rejoint The Base. A ma connaissance, c’est la première fois qu’ils apparaissent dans une enquête judiciaire dans notre pays, mais il est possible que des Belges aient encore été actifs sur les forums dans le passé.»

Quelles sont les cibles potentielles de ces groupes ?

«En général, les tactiques des extrémistes de droite ne sont pas si différentes de celles des jihadistes : tous deux usent de violence aveugle pour faire le plus de victimes possible. Pensez à Anders Breivik et à l’attaque de deux mosquées à Christchurch.»

Les suspects arrêtés sont très jeunes. Y a-t-il une renaissance du nazisme ?

«La Base, tout comme la Division Feuerkrieg et la Division Atomwaffen, fait partie de la nouvelle génération de groupes néonazis principalement actifs sur Internet.»

« La génération plus âgée se rassemble physiquement et utilise Internet comme outil. Cette situation est inversée avec la nouvelle génération. La propagande est extrêmement professionnelle, mais elle parle aussi de personnes de pays différents qui ne se sont probablement jamais rencontrés. Pourtant, ils se font suffisamment confiance pour partager des choses comme des manuels d’impression d’armes. Cela nécessite une approche complètement différente de la part des services de prévention et de sécurité, qui doivent également s’organiser au niveau international. Cela transcende les frontières.

Le conflit en Israël est-il un catalyseur de violences d’extrême droite ?

« Les conflits internationaux peuvent faire exploser un terrain fertile. Ils sont un catalyseur, mais il reste crucial de ne pas perdre de vue le terreau.»

Alors que l’on accorde autant d’attention au djihadisme, risquons-nous de perdre de vue l’extrémisme de droite ?

« Il est important de prêter attention à toute forme d’extrémisme. Il n’est pas toujours utile de faire la distinction entre le djihadisme et l’extrémisme de droite. Toutes les formes sont potentiellement dangereuses et doivent être traitées. Il existe également une pollinisation croisée entre ces différentes formes et elles apprennent les unes des autres en copiant leurs tactiques et stratégies respectives. Prenez la diffusion en direct des attentats : nous l’avons vu pour la première fois dans le djihadisme, mais cela s’est également produit à Christchurch. De plus, il existe une relation symbiotique : ils se renforcent mutuellement, il est donc important de les mettre tous sur le radar. Il ne s’agit pas d’une histoire de l’un ou l’autre, mais d’une histoire des deux. »

Serait-ce une réponse à l’attentat de Bruxelles ?

« De nombreuses recherches ont été menées sur la radicalisation réciproque. Quoi qu’il en soit, c’est bien plus complexe qu’une action et une contre-réaction. Les terroristes ont leur propre agenda. Cela dépend de nombreux facteurs : y a-t-il un moment approprié, les personnes en voie de radicalisation sont-elles au bon moment, existe-t-il des armes disponibles ? Il peut y avoir des actions et des contre-réactions, mais la réciprocité se produit souvent par vagues plus larges. Il est vrai que la mentalité « nous-eux » est au cœur de tous les groupes extrémistes. « Ils sont l’ennemi, nous sommes la victime. Ils constituent une menace pour notre culture, notre sécurité et notre survie. C’est un élément central de leur propagande et de l’apologie de leurs actions. »



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