Sommet du G20 en Inde : « Biden estime que les pays du Sud sont de plus en plus anti-occidentaux et éloignés de lui »

Deux absents jettent une ombre sur le sommet du G20 en Inde ce week-end : Vladimir Poutine et Xi Jinping. Le pouvoir s’éloigne-t-il de l’Occident ? Le professeur de droit international Jan Wouters (KU Leuven) voit plusieurs raisons de suivre de près ce sommet. « L’Inde est confrontée à un exercice d’équilibre difficile. »

Pieter Gordts

Quel est le programme ce week-end ?

« Le président américain Joe Biden a un programme clair : il veut donner plus d’argent à la Banque mondiale. La réforme des banques multilatérales de développement, comme la Banque mondiale, est l’un des points les plus importants de l’ordre du jour. Biden lui-même a promis d’accorder à la Banque mondiale 25 milliards de dollars de capacité de prêt supplémentaire. Cela devrait s’élever à 100 milliards de dollars grâce à la contribution d’autres pays. Ils veulent par exemple pouvoir donner plus d’argent aux pays en développement, par exemple pour lutter contre les conséquences du changement climatique. En outre, Biden souhaite faire de la Banque mondiale un homologue de la Chine. Ce pays est l’un des plus gros emprunteurs des pays en développement.

Il y a deux absents importants : le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping. La première est évidente, compte tenu de la guerre. Mais pourquoi ce dernier envoie-t-il son chat ?

«Je vois des possibilités. Tout d’abord, les choses ne vont pas bien en Chine même : l’économie est en difficulté, le pays est ravagé par des inondations et la corruption règne. En outre, la Chine est en désaccord avec de nombreux autres pays. Les récents « déversements d’eau nucléaire » au Japon suscitent l’indignation (qui a rejeté dans l’océan « l’eau contaminée » issue de la catastrophe nucléaire de Fukushima, PG), est désormais structurellement en désaccord avec les États-Unis et trouve l’Inde, pays hôte, trop pro-occidental et pro-américain.

«Il y a aussi des spéculations sur la santé de Xi. Il a récemment dû annuler un discours à la dernière minute au sommet des BRICS en Afrique du Sud, sans que l’on sache pourquoi. Les BRICS seront élargis à six pays. C’est peut-être pour cette raison que Xi ne considère plus le G20 comme le club le plus important dans lequel se profiler ? La Chine critique depuis longtemps la domination occidentale dans des forums tels que le G20.»

Des rumeurs courent selon lesquelles l’Inde pourrait vouloir changer de nom et profiter du sommet du G20 pour ce faire. Qu’est-ce qu’il y a avec ça ?

« Le président indien offre un banquet à tous les invités. Sur invitation, il s’est fait appeler président de Bharat, le nom donné au pays en hindou depuis des temps immémoriaux. Cependant, en anglais, Bharat est un nom inhabituel. Selon la constitution anglophone, le pays s’appelle l’Inde. Apparemment, une session extraordinaire du Parlement a également été annoncée sans ordre du jour. Beaucoup de gens pensent qu’un tel changement de nom est à venir.

«Cela s’inscrirait dans le programme nationaliste du Premier ministre Narendra Modi. Même si nous devons être prudents avec cela. Son nationalisme excessif entraîne de nombreux problèmes en matière de droits de l’homme, comme le déplacement des minorités.»

Quelle est l’ampleur de l’ombre portée par la guerre en Ukraine à l’ordre du jour ?

« La guerre n’est pas une priorité à l’ordre du jour. L’Inde a toujours eu une attitude ambivalente à ce sujet. Il s’est abstenu lors du vote condamnant la Russie à l’Assemblée générale des Nations Unies. L’Inde est fortement dépendante de la Russie pour son gaz et son pétrole et souhaite maintenir des conditions amicales avec le pays. Egalement parce qu’elle craint que la Russie ne se rapproche trop de la Chine, avec laquelle l’Inde n’entretient pas de bonnes relations. C’est un exercice d’équilibre difficile pour le Premier ministre Modi.

«En outre, les États-Unis font preuve d’une nouvelle prudence à l’égard de l’Ukraine. Les gens se rendent de plus en plus compte que la perception dans les pays du Sud est que l’Occident insiste trop sur ce point. D’où l’initiative de Biden de réformer la Banque mondiale. Il a le sentiment que les pays du Sud deviennent de plus en plus anti-occidentaux et s’éloignent de lui.»

D’où l’éventuelle adhésion de l’Union africaine au G20 ?

« Oui, ce serait une décision symbolique importante. Selon le président européen Charles Michel, c’est l’un affaire conclue. En tout cas, ce serait un joli trophée pour l’Inde si cela se produisait : Inde se considère comme une voix naturelle pour les pays du Sud. Il est également vrai que l’Afrique est désormais sous-représentée au sein du G20. Seule l’Afrique du Sud en fait partie. Vous ne pouvez pas faire ça.

« On sent au fond qu’une réforme des institutions multilatérales est en cours. En Occident, les gens sont désormais plus conscients de l’énorme problème de représentativité d’institutions telles que le G20. Des réformes sont désormais mises en œuvre étape par étape pour attirer les pays du Sud.»



ttn-fr-31