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L’auteur est un arbitre commercial indépendant auprès des chambres d’arbitrage de Hong Kong.
Les statistiques officielles de la Chine, en particulier les chiffres annuels du PIB, font depuis longtemps l’objet d’un examen minutieux. En 2007, Li Keqiang, qui deviendra plus tard Premier ministre, a fait remarquer qu’ils n’étaient pas fiables et qu’il s’appuyait sur trois indicateurs alternatifs pour évaluer la performance économique : le volume du fret ferroviaire, la consommation d’électricité et les prêts bancaires. Ces mesures sont désormais connues sous le nom d’« indice Keqiang ».
De nombreux observateurs soupçonnent que les chiffres du PIB ont été gonflés ces dernières années. Les responsables locaux ont tendance à considérer que la réalisation des objectifs régionaux est nécessaire non seulement pour conserver leur emploi, mais aussi pour obtenir des promotions. Cette atmosphère de méfiance s’est intensifiée en août 2021 lorsque le tsar chinois de l’Internet a interdit toute publication sur les réseaux sociaux susceptible de « déformer » les données macroéconomiques. De telles restrictions ont fait taire les commentaires d’éminents économistes chinois, et plusieurs banques et instituts de recherche sont devenus réticents à publier des prévisions inférieures aux chiffres officiels. Dans certains cas, il a été demandé aux économistes de s’abstenir de critiquer les données officielles.
Les tentatives du gouvernement pour supprimer les commentaires négatifs pourraient provenir de l’inquiétude suscitée par l’effet à long terme des contrôles économiques stricts imposés pendant les années de Covid-19, qui ont vu la confiance des investisseurs et des consommateurs chuter à ce qui était alors un plus bas historique. Cela a eu un effet pervers : dans les conversations privées, les plaisanteries sur les chiffres du PIB sont plus répandues que jamais.
Des données accessibles au public, fiables et à jour permettent aux investisseurs de suivre les évolutions et de gérer leurs attentes. Si les statistiques fondamentales telles que le PIB, l’indice de consommation et les taux de chômage perdent leur crédibilité, les investisseurs seront contraints de se préparer au pire des cas. En 2023, le Bureau national chinois des statistiques a cessé de publier des données sur le chômage des jeunes après que les chiffres aient atteint un niveau record pendant plusieurs mois consécutifs. Le gouvernement a ensuite repris la publication, mais a exclu les étudiants du décompte, affirmant que cela offrait une représentation plus précise.
En décembre 2023, le ministère chinois de la Sécurité d’État a averti les principaux commentateurs des médias sociaux de cesser de critiquer l’économie et de diffuser ce qu’il considère comme de la désinformation. Le mois dernier, Zhu Hengpeng, économiste de premier plan dans un groupe de réflexion gouvernemental de premier plan, aurait disparu après avoir tenu des propos désobligeants sur l’économie dans un groupe privé WeChat.
Ces développements inquiétants ont intensifié le scepticisme quant à la réalité économique de la Chine, créant ce qui pourrait être décrit comme un piège Tacite. Nommée d’après l’historien romain, cette théorie postule que lorsque la confiance du public dans le gouvernement s’érode, les citoyens supposeront que toutes les informations publiées par le gouvernement – quelle que soit leur véracité – peuvent être fausses. Certains internautes plaisantent même en disant que la Chine doit son récent succès économique au Bureau national des statistiques, au Département central de la propagande et au Bureau d’information sur Internet.
Ce nouveau statu quo n’est ni durable ni propice à une croissance à long terme, car les distorsions de l’information créent une boucle de rétroaction qui mine le développement. Un personnage trompeur devra peut-être être suivi par d’autres pour préserver le récit, ouvrant ainsi la voie à un cycle de désinformation auto-entretenu.
La Chine a connu une croissance remarquable depuis son accession à l’OMC en 2001. La transparence, l’État de droit et l’analyse économique objective ont tous contribué à permettre au monde des affaires de prendre des décisions éclairées. Compte tenu de la taille actuelle de son économie, un taux de croissance du PIB inférieur à l’objectif de 5 pour cent ne devrait plus être considéré comme tabou. Même si certains ajustements des chiffres économiques sont compréhensibles, une exagération excessive ne doit pas être tolérée. L’analyse ouverte et critique des experts doit non seulement être autorisée mais encouragée afin de soutenir un développement économique durable.