Si le PS et le MR sèment la méfiance politique maintenant, il ne faut pas s’étonner qu’ils récoltent plus tard un pays bloqué

« Nous ne pouvons guère faire de réforme sérieuse au niveau fédéral à ce stade. » Le cri coloré du cœur de l’ancien ministre Koen Geens (CD&V) capté en vidéo lors d’un débat par l’organisation économique nationaliste Pro Flandria a fait sensation. En tant que député CD&V, Geens fait partie de la majorité, mais à aucun moment de son intervention il ne se sent obligé de défendre la politique du gouvernement.

Pour un public uni et d’esprit flamand, les politiciens flamands sont heureux d’aller plus loin, mais les paroles de Geens s’inscrivent parfaitement dans un sentiment plus large d’agitation et de découragement face à la situation fédérale. Par exemple, la dure description de la Wallonie par Geens (« Une enclave de gauche socialiste, qui n’est absolument pas dans l’air du temps ») est un écho presque littéral de ce qu’un vice-Premier ministre désespéré Frank Vandenbroucke (Vooruit) harcèle les ministres de son parti frère, le PS, lors d’un énième meeting récent sur la réforme des retraites, a lancé : « Vous ressemblez à un parti socialiste des années 1970. »

L’absence d’un accord de retraite décent et l’approche de la date limite des vacances d’été expliquent en partie la frustration et la nervosité croissantes. La tradition belge veut qu’un compromis difficile ne soit conclu qu’après qu’un moment de crise ait éclairci l’air. Pourtant, il semble qu’il se passe plus de choses. Cette perspective plus large a été exposée dans une lettre ouverte de 22 économistes du nord et du sud du pays en Le temps. Les économistes mettent en garde contre un désastre financier si le gouvernement fédéral ne met pas de toute urgence de l’ordre dans le budget et ne met pas en œuvre les réformes essentielles du marché du travail et du système de retraite. Ce message peut ne pas sembler si intelligent en soi, mais le fait qu’il soit uniformément diffusé par des experts de tous les horizons idéologiques et régionaux le rend néanmoins très pertinent.

Le sentiment de malaise est donc largement partagé. Pour l’instant, cela n’a pas incité le gouvernement fédéral à agir en urgence. Cette analyse demande un peu plus de précision. Sans trop taper sur le tambour communautaire, on peut conclure qu’il y a toujours beaucoup de blocages du côté francophone. PS et MR se valent dans cette stratégie de blocage cynique. Il ne devrait pas y avoir de rapport sur une future réforme fiscale ou le président du MR Georges-Louis Bouchez part déjà en guerre. Dans le même temps, le PS doit encore prouver qu’il veut un accord sur les retraites qui contribue effectivement à pérenniser le système existant.

Ce n’est pas tout à fait clair où les dirigeants politiques francophones veulent aller avec leur politique de veto. En marge, VB et N-VA (et aussi le PVDA) aiment déjà trop conclure l’échec global de ‘Vivaldi’. C’est jouer avec le feu institutionnel. Si le PS et le MR sèment maintenant la méfiance politique et la frustration face aux politiques manquantes, ils ne devraient pas être surpris s’ils récolteront bientôt un pays bloqué avec des partis nationalistes encore plus forts.



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