Il était le grand maître du dessin léger et humoristique, l’artiste français Jean-Jacques Sempé, décédé jeudi à l’âge de 89 ans. Ses couvertures pour le magazine Le new yorker, pour lesquels il travaille depuis les années 1970, sont mondialement connus. Surtout les dessins panoramiques étaient sa spécialité, de grandes vues d’ensemble, souvent des paysages urbains à Paris ou à New York. Les gens s’y emploient, marchent, courent, font du vélo, en voiture. Tout librement dessiné avec un stylo dans un style saisissant. Et toujours quelque chose de drôle se passe quelque part. Il complète le tout avec des couleurs douces à l’aquarelle.

couverture du Le new yorkerillustré par Sempé.

Comme sur l’un des New yorkaiscouvertures de 1987, où quatre bateaux reposent comme un X dans l’eau calme ; aux extrémités de chaque barque un mâle pêche, au milieu, là où les barques se touchent, quatre femmes, chacune dans une barque, causent entre elles.

Ce sont des dessins intemporels que Sempé fait, pas des bandes dessinées ou des estampes politiques. K. Schippers a décrit le style de dessin de Sempé dans NRC comme suit: « La manière de dessiner est sans fioritures, même un peu timide, comme si trop d’emphase pouvait endommager l’incident représenté. »

Sempé considérait l’entreprise humaine avec compassion : « Je ne m’exclus pas de l’humanité que je dessine », a-t-il déclaré un jour dans une interview au magazine français. Télérama, « Je suis proche des personnages que je dessine, ils me ressemblent. En me moquant d’eux, je me moque aussi de moi […] Pour moi, l’humour signifie rire de soi-même. C’est pourquoi les caricatures politiques ne lui convenaient pas.

De sa préférence pour la vue panoramique, il a dit : « Le monde rend les gens petits, pas moi.

En tant que mélomane, il aimait aussi dessiner des orchestres ; il y a une couverture de Le new yorker sur lequel on voit un orchestre à la fin d’un concert. Le pianiste, le soliste, fait un geste de remerciement au premier violoniste, qui fait ensuite un geste similaire au membre suivant de l’orchestre – et ainsi de suite.

Une exposition consacrée à Le Petit Nicolas à Paris, 2009.
Photo Reuters/Charles Platiau

Cette même moquerie mélancolique se retrouve également dans les dessins qu’il a réalisés pour les histoires sur le petit Nicolas (Le Petit Nicolas), sur les aventures de l’écolier français Nicolas, écrit par René Goscinny. Ces livres sont toujours imprimés.

livraison de vin

Né à Bordeaux en 1932, Sempé débute comme dessinateur professionnel vers 1950 lorsqu’il s’installe à Paris. Il avait déjà essayé toutes sortes de métiers, livreur de vin à vélo, employé de banque, mais il pensait qu’il n’était bon qu’à dessiner.

C’est son amour pour la musique, en particulier le jazz, qui l’a inspiré à dessiner quand il était écolier, écrit-il dans le livre C’est la vie! Le monde merveilleux de Sempe (Phaïdon, 2014). Sur le chemin de l’école, il passa devant un magasin de lingerie où la pochette du disque était en vitrine. Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? (Qu’attendons-nous pour être heureux ?) chanté par Ray Ventura et son groupe de jazz, dont le jeune Sempé était fan. Il a fait du vélo spécialement pour garder un œil sur la couverture, puis a essayé de tirer la bande à la maison. Le livre C’est la vie! En plus d’une large sélection de son œuvre de bande dessinée, il contient également des dessins de musiciens qui l’ont inspiré, comme Duke Ellington.

Jean-Jacques Sempé télétravail, Paris 2015.

Photo Stéphane de Sakutin/AFP


Sempé a commencé sa carrière comme farceur pour des magazines français. La bande dessinée ne lui convenait pas et il développa peu à peu son propre style cartoon – ou plutôt genre, avec lequel il obtint également un succès international.

On reconnaît immédiatement un dessin de Sempé, aux lignes lâches et soignées. L’écrivain et comédien de télévision Kees van Kooten est un grand amateur de son travail. Dans son livre Passions (2012) Van Kooten décrit le sentiment Sempé. C’est ce que vous obtenez « lorsque surgit la pensée que je suis un homme si petit, au sourire béat, qui vient d’être mis sur papier en quelques traits virtuoses par le dessinateur de Le Petit Nicolas”.



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