Riadh Bahri à propos de Martine Tanghe : « Derrière cette façade de parfaite présentatrice de nouvelles se trouvait une femme qui embrassait ses collègues »

Pour des journalistes comme Riadh Bahri, Martine Tanghe était non seulement un excellent exemple, mais aussi une collègue chaleureuse. Bahri et Tanghe sont restés en contact après sa retraite – elle est même retournée au studio de ‘Het Journaal’ pour lui une fois de plus. « Son approbation était plus importante qu’un compliment de votre patron. »

Ewoud Ceulemans

Comment avez-vous connu Martine Tanghe ?

« Je n’oublierai pas de sitôt la première rencontre. C’était l’été 2009, le premier été que j’ai eu avant Les nouvelles travaillé. J’ai dû écrire ma toute première intro pour le journal de l’après-midi avec Martine – les jambes tremblantes et les genoux tremblants, car tout le monde savait que Martine plaçait la barre très haut. Elle n’avait changé qu’une phrase : apparemment c’était un compliment. Et puis elle m’a envoyé un message : « Félicitations pour votre première entrée de journal ». Donc ma première rencontre s’est relativement bien passée (des rires). Dans les années qui ont suivi, la collaboration est également devenue très intense sur le plan personnel.

Était-elle un mentor pour vous et d’autres jeunes collègues ?

«Elle ne s’est littéralement jamais mise en place comme ça. Martine aussi : elle ne s’est jamais considérée comme « la chose à faire », ni que ce qu’elle faisait était exceptionnel. Mais c’est elle qui vous tenait responsable si vous faisiez une erreur et qui vous faisait savoir si elle aimait vraiment votre travail. Elle envoyait généralement un compliment via WhatsApp, accompagné d’une photo de l’un de ses chats.

« Il était important pour moi d’obtenir son approbation. C’était juste un peu plus spécial qu’un compliment de votre patron ou un message d’un éditeur. Nous devons faire attention aux superlatifs, mais si vous regardez l’impact de la radiodiffusion publique et Les nouvelles regarde, Martine est la plus grande. Et nous ne devons pas sous-estimer l’impact qu’elle a eu sur les jeunes générations de journalistes, également en termes d’utilisation de la langue et de néerlandais correct. Je pense qu’elle en était secrètement très fière.

Vous êtes resté en contact même après sa retraite.

« Martine était une passionnée de marche. Tous les quelques mois, nous lui rendions visite pour une promenade ensemble. Nous sommes passés devant plusieurs chapelles, avons allumé une bougie. Parler ensuite dans son jardin, entre les moutons, de petites et grandes choses.

« Elle a trouvé la transition après sa retraite difficile. Les premières fois que nous sommes allés nous promener, elle l’a fait pour traiter le départ de son travail. Mais les dernières fois qu’on l’a vue, elle avait retrouvé un second souffle, avec son rôle dans le jury du Prix Boon et avec la représentation théâtrale Morris. Elle était déjà malade, mais c’était un sujet que nous essayions d’éviter autant que possible. Elle n’aimait pas en parler. »

Elle était malade depuis un certain temps alors qu’elle travaillait encore à la VRT. A-t-elle gardé cela pour elle ?

« Ces dernières années, elle a systématiquement informé un petit groupe de collègues. En raison de l’impact pratique sur l’opération, mais aussi parce qu’elle ressentait parfois le besoin d’aérer ce qui se passait. Elle avait un peu peur de l’avenir. Martine aimait vivre. Elle lisait beaucoup, elle voulait toujours tout savoir… La peur de ne plus pouvoir faire ça, ça la dérangeait.

« La dernière fois que nous lui avons rendu visite avec des collègues, c’était le 29 mai. Parce qu’on sentait que ça n’allait pas bien. Ensuite, nous avons parlé de la situation pendant cinq minutes, et elle a dit : « Et maintenant, nous allons ouvrir une bouteille. » C’est Martine. Ensuite, vous parlez de la guerre en Ukraine, mais aussi de la naissance imminente d’un nouveau petit-enfant. Je suis très contente qu’elle ait pu vivre ça. Je pense que mère et grand-mère ont peut-être été ses rôles préférés. Dommage qu’elle n’ait pas pu profiter pleinement de sa retraite. Qu’elle n’a pas été autorisée à s’asseoir dans son jardin pendant vingt ans, entre ses moutons et ses petits-enfants, à boire du vin.

Tout le monde connaissait Martine Tanghe, mais peu connaissaient la femme derrière la présentatrice de nouvelles.

« Martine n’aimait pas parler d’elle. Elle n’a jamais ressenti le besoin de faire de grandes déclarations dans les interviews. Pendant un certain temps, nous avons avec le service de nouvelles La perspective organisée au cours de laquelle des experts de la VRT ont donné des conférences. Elle l’a fait une fois. Elle devait donner une conférence à Gand sur Les nouvelles, pour une salle de 600 personnes. Je ne l’ai jamais vue stressée comme ça. J’ai dit : ‘Allez, Martine, tu fais ton boulot depuis quarante ans devant cette caméra, devant un million de personnes, comme si de rien n’était.’ Et puis elle a dit : ‘Oui, mais je peux. C’est ma salle de rédaction. Mais à côté de cela, elle était encore une personne timide et modeste qui ne recherchait pas la vie publique.

Après sa retraite, elle a présenté un autre film d’actualités, avant votre mariage.

« Martine a pris sa retraite en novembre 2020, je me suis mariée en juillet 2021. Elle était invitée, mais elle avait fait savoir que compte tenu de sa trajectoire médicale, elle n’avait pas l’énergie pour ça. Mais ensuite, on m’a montré un film d’actualités de 20 minutes que mes collègues avaient mis en boîte ensemble et qui était présenté par Martine. J’ai pensé que c’était très symbolique, parce que je savais combien d’émotion elle avait quitté cette chaise six mois plus tôt.

« Un grand geste qui la caractérise. Martine était stricte et il fallait toujours que ce soit juste, mais derrière cette façade de parfaite présentatrice de nouvelles se cachait une femme qui embrassait ses collègues. Quand j’ai commencé à travailler ici à la VRT, c’était la première fois que j’entrais en contact avec des gens de sa génération qui pensaient que l’homosexualité était normale. Dans le monde dans lequel j’ai grandi, c’était anormal. Martine a été la première personne dans la cinquantaine qui m’a fait me sentir comme un garçon normal. Je pourrais en parler avec elle. Je lui en serai toujours reconnaissant. »



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