L‘J’avais gardé de côté comme une bonne douceur qu’on ne mange pas tout de suite mais qu’on attend le moment idéal pour en profiter pleinement. Même un livre peut être un prix, si seulement vous savez choisir le bon jour pour le goûter. Et c’était ainsi.
Je vous avais déjà parlé de cette auteure talentueuse et surprenante dans une précédente chronique mais à l’époque c’était son recueil de poèmes, 50 tentatives de suicide plus 50 objets contondantsmaintenant à la place Alessandra Carnaroli commence en prose par La furie (Solferino), dans la belle série Pavoni éditée par Teresa Ciabatti.
La furie c’est un livre mais aussi une séance musicale « agrammaticale », une immersion dans la contemporanéité de nos viesqui à leur tour, comme les voix du livre, n’ont pas de tendance régulière mais vacillent et changent de style et de couleur jour après jour, exposées à la douleur, aux chocs soudains et aux joies inattendues (souvent plus de chocs que de joies).
Pour être honnête cependant, la prose et la poésie sont des catégories abstraites pour cet auteur, totalement insuffisant pour définir son style. Alessandra Carnaroli écrit juste, et nous laisse aux lecteurs la totale liberté de tout lire d’un seul souffle, sans avoir à l’enfermer à tout prix dans un genre prédéfini.
«Je devais écrire un livre qui racontait comment nous les femmes vivons, qui nous fait du mal et qui nous fait du bien, des femmes qui vont bien et de celles qui souffrent, de la violence de certains hommes et de l’amour des autres…».
Pour mettre les choses en ordre, si possible, Miranda est la protagoniste de ces histoires qui se croisent tellement qu’elles deviennent un chœur polyphonique dans lequel nous nous reconnaissons en découvrant nos blessures et nos faiblesses mais aussi toutes les bagatelles quotidiennes qui nous affligent ou, pire, captent obsessionnellement notre attention.
Carnaroli est un grand observateur, un voyeur expert de la vie des autres et de la chronique la plus misérable qui définit désormais notre passage sur terre. La force narrative de Carnaroli réside dans les détails – on sait que le diable se cache dans les détails – mais ce sont eux qui rendent les histoires fascinantes.
L’auteur a aussi une autre arme infaillible pour amalgamer tout ce qui est ironie, surtout l’auto-ironie qui donne des ailes à tout contenu dramatique. Alors on ne peut qu’être captivé par le flot de pensées qui traversent le papier, exempt de ponctuation canonique et rassurante, et croyez-moi ça ne vous dérangera pas car comme moi vous serez déjà à l’intérieur du livre et vous ne voudrez plus en sortir.
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