Qu’est-ce que le roi est censé dire ?

Lorsqu’il demande des excuses (plutôt que des « offres ») le 1er juillet pour la part néerlandaise dans l’esclavage, il le fait en tant que chef de l’État. Il fait partie du gouvernement, la partie « inviolable ». Lorsque le Premier ministre Rutte a demandé des excuses le 19 décembre, il l’a fait au nom de l’État, et donc aussi au nom du roi. Willem-Alexander doit-il recommencer ?

Il se peut qu’il veuille aussi parler en père de famille, qui veut s’excuser pour l’histoire des Oranges et leur part d’esclavage ; cette famille n’a certainement pas excellé dans l’abolitionnisme précoce et actif.

Mais bien plus important est qu’au moment où le roi parle, il devient « un nuage dans son pantalon » (Maïakovski), incorporel, et surtout un symbole du Royaume des Pays-Bas. Il y a beaucoup de gens qui considèrent que tout ce qui a une valeur symbolique est sans valeur, l’équivalent de 0,00. Cela ne coûte rien, disent-ils, donc cela ne peut pas signifier grand-chose. J’appelle ces gens aveugles aux symboles. Car demander des excuses demande toujours des efforts et génère un malaise, tant pour la personne qui demande que pour ceux à qui la question est présentée. Qui peut parler, au nom d’ancêtres qui ne sont plus en vie, qui peut promettre l’acceptation ? C’est religieux, s’occuper des morts. C’est déjà plus facile quand on évoque l’impact de l’esclavage, car il est bel et bien intergénérationnel, et ne s’est pas arrêté au 1er juillet, il y a maintenant cent cinquante ans. Antoine de Kom, psychiatre, poète et petit-fils d’Anton de Kom le dit ainsi Le guide: „[…] parce que les esclaves transatlantiques étaient noirs, une distinction de couleur est devenue associée au contraste maître-esclave. […] Le racisme, principale conséquence de l’esclavage, est devenu génétiquement ancré dans l’hérédité de la couleur de la peau.

En tant qu’êtres vivants, nous remarquons cet effet du passé entre nous. L’insupportable est que ce sont précisément les descendants de l’esclavage qui en souffrent nettement plus que les descendants des propriétaires d’esclaves. Génocide, torture, déshumanisation, cela peut conduire à la résilience, mais aussi à des relations autoritaires au sein des familles, des complexes d’infériorité et pire. Les victimes sont vraiment des victimes, car une partie de cet héritage est une conséquence de cet esclavage. Exemple : cette palette de couleurs ennuyeuse, où la couleur claire est considérée comme meilleure que la couleur foncée ou noire.

Que doit dire le roi pour arrêter cette réaction en chaîne en cours ?

Les mots ne suffisent pas, le roi doit faire un geste rituel d’humilité. Presque inégalable : Willy Brandt, chancelier ouest-allemand qui s’est mis à genoux à Varsovie en 1970.

Le rituel ne « dit » rien, ça arrive, c’est là et surtout il faut l’accomplir.

Stephen Sander écrit une colonne ici tous les lundis.



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