† Une invasion d’un pays et de grandes villes est inévitablement lente. Au cours de l’opération Tempête du désert en Irak, les campagnes aériennes et terrestres ont duré environ un mois sans atteindre la capitale Bagdad. L’attaque contre la capitale tchétchène de Grozny en décembre 1994 et janvier 1995 a duré plus de deux mois, la bataille de Mossoul en Irak plus de six mois et la bataille d’Alep en Syrie (la phase avec le soutien russe) a duré un an.
† Il est difficile d’établir un bilan. Il y a des pertes importantes des deux côtés, mais nous en sommes aux premiers stades où les deux côtés n’ont pas encore jeté tout leur poids dans le bol.
† La Russie a actuellement moins de la moitié de ses forces effectivement mobilisées en Ukraine, mais a établi d’importantes têtes de pont : près de la ligne de contact, Kharkov, au nord de la Crimée et au nord de Kiev. Une grande partie des chars et de l’artillerie ainsi que la capacité aérienne (les deux fixé si rotatif) n’a pas encore été déployé. Les campagnes cyber et électroniques restent limitées.
† La Russie a jusqu’à présent tiré environ 200 missiles (campagne à distance). Il a durement touché les radars, les défenses anti-aériennes et les centres de commandement, mais ne les a pas encore complètement désactivés. La Russie n’a toujours pas de liberté de mouvement dans l’espace aérien ukrainien et ne le sera probablement pas de sitôt. Les Heli et Su-25 sont relativement vulnérables au type d’armes antiaériennes fournies par l’Occident.
† Les têtes de pont près de Kiev deviendront cruciales : le long de la E-95 et des aéroports de Gostomel et Vasilkyv. Ceux-ci sont importants pour obtenir des troupes de suivi autour de Kiev dans les prochains jours. Cela a été en partie réussi dans le nord de l’E-95 et autour de Gostomel.
† Selon la vitesse à laquelle ces têtes de pont seront établies, l’offensive sur Kiev suivra. Décapiter le gouvernement peut signifier que la Russie tentera de paralyser et de désactiver rapidement des cibles avec des opérations spéciales, mais cela reste une entreprise périlleuse dans les zones urbaines. Cependant, une fois que les troupes de relève seront à Kiev, il faudra que les choses bougent rapidement, ce qui rend les chances d’une attaque frontale – d’abord dans les zones suburbaines – considérables. Une victoire russe rapide à Kiev n’est pas une certitude.
† Si l’offensive russe ralentit et que le soutien occidental (armement et renseignement) s’avère décisif, il y a un risque d’escalade hors d’Ukraine. La Russie peut tenter de décourager ce soutien en faisant pression ailleurs (Moldavie, Bosnie, Etats baltes ou via des cyberattaques), mais aussi par la dissuasion nucléaire. Cette dernière est risquée, mais continue d’occuper une place importante dans la doctrine russe. Ce n’est pas une certitude, mais c’est un scénario dont nous devons tenir compte.
† Le contexte international plus large : Alors que l’objectif de la Russie était d’affaiblir la position de l’OTAN, c’est le contraire qui s’ensuit. La présence de l’OTAN à l’Est est invisible et des pays comme la Finlande se rapprochent de l’OTAN. La Chine et l’Inde resteront sur la balançoire pour le moment. La Chine attendra l’évolution du conflit et ne veut pas miser sur le mauvais cheval, mais penche quand même du côté de la Russie.
† Le président Poutine a plus que jamais risqué sa survie politique. La Russie a encore de bonnes cartes, mais un conflit prolongé et coûteux, s’ajoutant aux sanctions, au renforcement de l’OTAN, au soutien mitigé de l’Asie et au scepticisme dans ses propres rangs l’oblige à faire rapidement des gains militaires. Si ce n’est pas le cas, il reste très difficile d’estimer comment il va réagir : négocier ou encore escalader.
† Cette crise peut évoluer de différentes manières. Rien n’est figé, ni victoire ni défaite. Les enjeux sont importants, tout comme les risques d’escalade. Nous ne devons pas être défaitistes, mais à partir d’une évaluation sobre des risques, nous devons soigneusement envisager une réponse possible en cas d’escalade future et comment nous pouvons accroître notre résilience face aux retombées de cette crise. A court terme, la crise russe va exacerber le malaise économique en Europe : inflation, croissance limitée, problèmes budgétaires, etc. Mais rien n’impose désormais que l’Ukraine ou l’Occident soient les perdants.