Quelle est la théorie démographique qui passionne Van Grieken ? « Les trois points essentiels sont un pur non-sens »

Le Vlaams Belang compte une fois de plus sur la théorie du repeuplement pour attirer l’attention. D’où vient l’attrait d’une théorie tant de fois réfutée ? « Cela évolue avec le temps. »

Pieter Gordts et Stavros Kelepouris

Selon le président Tom Van Grieken, le Vlaams Belang n’est plus le parti qu’il était il y a quelques années, mais lors de la réception du Nouvel An dimanche dernier, les conifères du VB ont été de nouveau présentés, pour être sûr. « Un véritable repeuplement est en train de s’opérer. C’est le résultat de décennies de migration massive incontrôlée.

Il n’est pas difficile de deviner pourquoi Van Grieken met l’accent sur le thème classique du Vlaams Belang, à savoir la migration : si tout le monde ne veut pas en parler, alors le VB commencera à en parler lui-même. De Wetstraat se souvient encore très bien de la façon dont le Vlaams Belang a eu le vent en poupe lorsque le gouvernement Michel est tombé en 2018 à cause du pacte migratoire de Marrakech. Dans sa campagne, la N-VA met actuellement l’accent sur la prospérité flamande. Et le Vooruit, qui se présente comme une alternative à l’extrême droite, le fait sans dire beaucoup de mots sur la migration.

Van Grieken sait aussi qu’il attire toute l’attention sur lui avec le terme chargé de « population ». On dirait qu’il ne parle que de migration, mais en même temps il insinue une sombre conspiration dans laquelle les élites politiques veulent saper l’homme ordinaire. La théorie a une longue histoire, principalement américaine, où les idées racistes sont liées à l’idée que la migration a un but : la destruction des États-Unis tels qu’ils existaient aux XIXe et XXe siècles.

« Ce que l’on entend exactement par là change avec le temps », explique Leo Lucassen, directeur de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. « À son apogée, au moment de la Première Guerre mondiale, la théorie américaine visait les migrants d’Europe de l’Est et du Sud, considérés comme une menace majeure. Aujourd’hui, nous constatons que leurs petits-enfants sont des partisans de Trump et que le dépeuplement vise les personnes de couleur de peau différente.»

En Europe, la théorie de la population s’est imposée grâce à l’écrivain français Renaud Camus et son livre Le Grand Remplacement. C’est ce livre qui fait des musulmans la cible de la réflexion sur le dépeuplement en Europe. Il s’agit également d’une théorie du complot, dans laquelle les élites tentent délibérément d’effacer la culture européenne en remplaçant la population autochtone. Ce n’est pas innocent, dit Lucassen : le terroriste Anders Breivik, par exemple, a été motivé par des théories telles que la croissance démographique dans sa frénésie meurtrière.

Le Vlaams Belang n’hésite pas à évoquer ce complot à temps. Le député européen Tom Vandendriessche (VB) a déclaré dans un message de Noël sur X à la fin de l’année dernière : « Ils veulent nous remplacer et effacer notre identité. » Van Grieken lui-même l’a exprimé ainsi le week-end dernier : « L’élite politique fait en sorte que l’identité flamande soit effacée, aliénée de sa culture, privée de ses normes et valeurs, dépouillée de son individualité. »

Samson

Bien qu’il existe également une version allégée. En 2019, Walter De Donder, maire de Samson et Affligem, se présente comme candidat président du CD&V. Dans un discours, il affirme que certains quartiers d’Anvers et de Bruxelles sont « complètement dépeuplés de nos propres habitants ». Cette déclaration a fait l’objet de vives critiques, mais pour De Donder, il ne s’agit pas d’une conspiration politique. Il veut surtout insister sur la nouvelle composition de la population belge.

Parce que oui, ça a changé. Le week-end dernier, Van Grieken a souligné que le repeuplement n’est pas seulement une théorie mais « la dure réalité ».

Est-ce correct? Selon Lucassen, la théorie repose sur trois propositions centrales. Ce « nous » – et par là des gens comme Camus désignent les Européens blancs – sommes racialement supérieurs. Que certaines élites veulent détruire la société. Et que les migrants, en l’occurrence les musulmans, ne veulent pas s’intégrer. « Mais ces trois points fondamentaux sont tous des absurdités », déclare Lucassen.

La « dépopulation » semble être un passe-partout utile pour le Vlaams Belang pour promouvoir sa vieille affirmation : il y a trop de migrants. Il y a deux ans, une étude de l’agence statistique belge Statbel montrait qu’un tiers des résidents belges sont d’origine étrangère ou possèdent une nationalité étrangère. « Population. Ça va vite », a tweeté Van Grieken.

Ces chiffres incluaient également les immigrants allemands ou néerlandais. A noter que la compagne de Van Grieken est elle-même néerlandaise. Et sa fille est aussi d’origine étrangère. Mais ce n’est évidemment pas ce contre quoi Van Grieken met en garde lorsqu’il parle de croissance démographique.

Pour une théorie qui est une « pure absurdité », elle est très persistante. Selon Lucassen, parce que le terreau est actuellement là. De cette manière, « le choc de l’Holocauste » s’est en grande partie dissipé, selon le professeur. L’avertissement sur les conséquences possibles du racisme sonne donc moins fort. « Les hommes politiques qui auraient commencé à parler de repeuplement il y a trente ans se seraient suicidés politiquement », dit-il. « Ce n’est plus le cas. »

Le matinLe chroniqueur Mark Elchardus a souvent souligné un sentiment croissant d’incertitude dans la société : le sentiment que la prochaine génération sera moins chanceuse que l’actuelle et que notre prospérité ne sera pas maintenue. Une partie de la société – et le VB – en accuse les nouveaux arrivants. Ils ont le sentiment d’être dépassés par les migrants qui passent au second plan dans le filet de sécurité sociale de notre pays.



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