Que signifie personne trans ? Et qu’entend-on par parcours de transition de genre ? Pouvoir l’expliquer demande de la sensibilité, avant tout du langage. Parce que les mots s’identifient. Souvent, dans le mauvais sens


LLa première phrase que vous lisez en ouvrant mon profil Instagram est : « Je suis trans mais je peux vous expliquer ». Ce « mais » est une citation d’un livre, Je t’aime mais je peux expliquer, de Guido Catalano. J’aime le jeu syntaxique, c’est une invitation à la curiosité. Comme pour dire : « Ne pensez pas que vous savez tout. Demandez, informez-vous. » Dans mon livre, Squelette fémininrécit de mon voyage et le titre vient de l’un des nombreux commentaires transphobes que j’ai entendus: « Quand tu mourras, ton squelette sera toujours féminin. » Le choisir, c’était se réapproprier une insulte et lui donner un nouveau sens.

Des re-shots de « Appelle-moi par mon nom », le quotidien des personnes transgenres exposés

Il y a beaucoup de curiosité et beaucoup de désinformation sur le transgenre. Je me suis entendu poser les questions les plus absurdes, parfois sans limites de discrétion. « Comment fais-tu l’amour? ». Poseriez-vous cette question à un inconnu ? J’ai toujours essayé de partager tous les aspects de mon parcours qui, selon moi, pourraient être utiles, tant pour d’autres personnes trans que pour d’éventuels alliés. Et au cours de ces années, j’ai pu m’exposer car je suis une personne avec de nombreux privilèges : ma famille me soutient, j’ai un solide réseau d’amis, un foyer, des ressources financières. Pour ne pas oublier le mien qui passe (la capacité d’une personne trans à être perçue selon le genre choisi, éd) qui, bien qu’elle soit à double tranchant – si je ne disais pas explicitement que je suis une personne trans, presque personne ne le saurait et cela rendrait mon parcours invisible -, elle me protège de nombreuses discriminations. Les gens « m’acceptent » – comme si leur approbation était requise – parce que
« Je m’en suis bien sorti ». Comme des gâteaux.

Francesco Cicconetti auteur, vulgarisateur sur les questions de genre (sur Instagram @mehths). (Photo de Vittorio Zunino Celotto/Getty Images pour ABA)

Parmi les entreprises, le « rainbow washing » est toujours très présent, prétendant être inclusif en matière de genre. C’est aussi pour cela que je collabore avec beaucoup d’entre eux pour des réunions de formation. D’une manière générale, il y a un énorme travail à faire sur le langage.

Les mots comptent

De la communauté LGBTQIA+ (les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transsexuels, les queers, les intersexuels, les asexuels et tous ceux qui ne se définissent pas comme hétérosexuels, ndlr) trop souvent, des gens qui n’ont pas vraiment leur place parlent, donc il y a le risque qu’ils le fassent de manière façon stéréotypée. Dans les journaux je lis des expressions telles que : « Née femme », « le corps piégé », « le trans ».

La bonne expression pour me définir est « homme trans ». Cela résume tout mon voyage. Je ne suis pas un « héros courageux », un « pauvre ». La dichotomie est toujours la même et on ne nous dit jamais ce que nous sommes : des gens normaux, immergés dans la vie quotidienne comme toute personne cisgenre.

Le travail à accomplir concerne toutes les générations, même à différents niveaux. Chez les jeunes et les très jeunes, on est plus conscientisé, on parle davantage d’identité de genre, mais cela n’est pas synonyme d’inclusivité ou d’empathie.

Enfin, des outils comme le schwa, écrire « car* tutti* » dans les emails ou le « 3 » que j’ai utilisé dans ce textesont une première tentative de réponse – encore fallacieuse, on le sait – à défauts de notre langue. Il y a quelqu’un qui n’est pas ou peu représenté et trouver un remède doit être un cheminement collectif.

iO Donna © TOUS DROITS RÉSERVÉS





ttn-fr-13