La danse des amours entre l’industrie lourde et le gouvernement dure depuis maintenant deux ans. Rutte IV a eu un défi. Il souhaitait conclure des accords individuels avec de grandes entreprises industrielles pour rendre plus écologiques leurs usines consommatrices d’énergie fossile. Pensez à l’usine sidérurgique Tata, à la compagnie pétrolière Shell, au fabricant d’engrais Yara, au fabricant de plastique Dow. Grands émetteurs de gaz à effet de serre.

En échange de ce verdissement, les entreprises recevraient de l’aide : des subventions ou, par exemple, des câbles électriques épais et des conduites d’hydrogène jusqu’à la porte de l’usine. Cela pourrait coûter trois milliards d’euros. Slogan : mieux vaut le vert ici que le gris ailleurs.

L’Allemagne, la France et les États-Unis distribuent désormais des milliards d’euros aux entreprises. La politique industrielle est chaud. L’Union européenne, les États-Unis et la Chine veulent chacun devenir leaders dans les nouvelles technologies vertes, comme les batteries et les voitures électriques.

Aux Pays-Bas, les transactions individuelles restent calmes. Une entreprise, le fabricant de chlore Nobian, semble proche d’un accord sur une subvention de 200 millions d’euros. D’autres grands émetteurs ont seulement signé une déclaration d’intention.

Quel est le problème? Conclure un accord majeur avec un cabinet démissionnaire est difficile pour les entreprises, dit-on à La Haye et dans l’industrie. Pendant ce temps, l’industrie lourde se plaint beaucoup. On dit que les impôts y sont plus élevés qu’ailleurs en Europe. Il est difficile de dire dans quelle mesure cela est vrai.

Et Rutte IV est aux prises avec la nouvelle politique industrielle. Ces conceptions sont donc extrêmement compliquées. La question clé : où s’arrête une politique rationnelle et où commence l’histoire déchirante du lobbying des entreprises ?

Il est largement reconnu, y compris parmi les économistes, que l’aide du gouvernement est nécessaire pour parvenir au verdissement. Une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas à y parvenir. Sans subventions, il n’y aura pas de marché pour l’acier vert ou le plastique recyclé. Le gouvernement doit aider les entreprises à surmonter un obstacle, car la société profite de la courbe d’apprentissage qui s’ensuit et qui rend les produits verts moins chers.

« Les nouvelles technologies vertes nécessitent des investissements majeurs. Mais après cela, une énorme réduction des coûts se profile à l’horizon », déclare Rick van der Ploeg, professeur d’économie environnementale (UvA et Oxford). « Chaque fois que vous passez un quartier aux pompes à chaleur, l’installation et la production deviennent moins chères. C’était la même chose avec l’énergie solaire et éolienne.

Cette réduction des coûts est également attendue dans la production d’hydrogène vert, avec lequel les entreprises chimiques peuvent remplacer les matières premières fossiles. « Mais aucune entreprise ne veut être la première. Après tout, les bénéfices de cette réduction des coûts ne profitent pas aux entreprises, mais à la société. Les gouvernements doivent prendre conscience de cette course au développement, comme ils l’ont fait avec les vaccins pendant la crise du coronavirus.»

Il est important qu’il soit immédiatement établi que le soutien est temporaire, afin que l’argent des contribuables ne soit pas gaspillé, par exemple en soutenant trop longtemps des entreprises non viables.

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Il est difficile de mettre le doigt sur ce qui fonctionne exactement, conclut l’économiste Dani Rodrik dans le Temps Financier. Pour lui, la meilleure recette est la suivante : une : ne pas poursuivre trop d’objectifs. Il ne s’agit donc pas de créer des emplois, de réduire les émissions et d’augmenter l’innovation. (Les politiciens sont mauvais dans ce domaine.) Deuxièmement : le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec les entreprises, en échangeant constamment des informations pour découvrir ce qui fonctionne. Troisièmement : la discipline à arrêter quand ça ne marche pas. « Une politique industrielle réussie ne consiste pas à choisir des gagnants mais à laisser partir les perdants. » (Les politiciens sont également mauvais dans ce domaine.)

Jusqu’à présent, le gouvernement a évité de discuter des entreprises qui ne sont pas viables. C’est fou, car certains d’entre eux vont disparaître parce que nous n’avons plus besoin de leurs produits, déclare Bettina Kampman de CE Delft, qui a étudié l’avenir de l’industrie. « Plus il y a de voitures électriques, moins il faudra de raffineries d’essence et de pétrole. » Il existe désormais cinq raffineries aux Pays-Bas, qui peuvent toutes bénéficier d’une aide.

La politique industrielle est ici particulièrement difficile, car les Pays-Bas se trouvent exactement sur la ligne de fracture d’un réalignement global de l’énergie et de l’industrie. « Les Pays-Bas étaient une île d’énergie bon marché grâce au gaz de Groningue », explique Kampman. Cela a attiré les énergivores. « Désormais, l’énergie sera moins chère ailleurs. »

Les énergies renouvelables telles que le soleil et le vent sont beaucoup moins chères là où elles sont produites, explique Luc Soete, professeur émérite à Maastricht. « Le transport de l’énergie solaire et éolienne coûte plus cher que le transport du pétrole. Les industries à forte intensité énergétique se déplacent donc là où l’énergie est produite à moindre coût.» Par exemple, dans des pays où le soleil brille toujours et où le vent souffle toujours. Kampman pense également que les parties consommatrices d’énergie du processus de production de l’acier et des engrais ne resteront pas aux Pays-Bas. Le reste peut-être.

En Europe, les Pays-Bas disposent d’un nouvel avantage : l’éolien offshore. Soete estime que l’industrie située sur la côte est moins chère que l’industrie du Limbourg (Chemelot) et de la Ruhr. « Les gouvernements néerlandais et allemand se sont engagés à construire des infrastructures énergétiques dans ces régions, mais les coûts sont énormes. La vraie question est de savoir si cela en vaut la peine.

Les Pays-Bas peuvent tout vouloir, mais ils se trouvent au milieu de forces internationales majeures. Même avec le soutien du gouvernement, une partie importante de l’industrie pourrait disparaître des Pays-Bas. Raison de plus pour qu’un nouveau cabinet choisisse soigneusement quelles entreprises seront ou non aidées par des euros d’impôts.

Marike Stellinga ([email protected]) est rédactrice en chef de CNRC et examine les développements politiques et sociaux sous un angle économique.



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