Que devrait-il se passer ensuite pour le gouvernement ? « Davantage de ministres pourraient se retrouver dans une situation difficile »

Le dossier de demande d’extradition est resté au parquet de Bruxelles. Ce constat a conduit vendredi à la démission du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne. À juste titre ?

Sinardet : « Je pense que oui. La responsabilité ministérielle n’est pas un concept clair. Il ne s’agit pas de : vous démissionnez à cause de cette erreur et non à cause de cette erreur. Tout dépend du contexte politique et aussi du parti du ministre. Mais dans ce cas, il était devenu très difficile de rester.

«Il ne s’agit pas seulement d’une erreur manifeste et importante commise au parquet de Bruxelles, dont Van Quickenborne est politiquement responsable. En outre, lui et d’autres membres du gouvernement avaient fortement souligné la semaine dernière que le problème était la politique d’expulsion. Le gouvernement a souligné que de nombreux pays d’Afrique du Nord ne souhaitent pas reprendre leurs ressortissants et que Lassoued ne peut donc pas être restitué.»

Cette histoire s’est avérée dénuée de sens.

« Bien sûr, ce problème existe. Et s’il avait été expulsé rapidement, ces deux Suédois seraient encore en vie. Cependant, dans ce cas précis, la réticence de la Tunisie n’a joué aucun rôle. Au contraire! Le gouvernement les a pointés du doigt, mais la Tunisie voulait apparemment qu’il revienne – nous ne l’avons tout simplement jamais envoyé là-bas. Cela rend difficile de rester ministre.

D’autres ministres devraient-ils tirer leurs conclusions ?

« Le limogeage de Van Quickenborne suffira pour l’instant. Même s’il reste encore de nombreuses questions ouvertes. Encore plus de ministres pourraient se retrouver dans une situation difficile. Mais je ne pense pas qu’un licenciement collectif du gouvernement soit nécessaire compte tenu de ce que nous savons actuellement. Je me demande aussi si cela ferait preuve d’un grand sens des responsabilités. Ensuite, on se retrouve très tôt dans l’actualité. Dans le contexte international actuel, cela n’est pas évident. Et la Belgique assumera la présidence européenne en janvier. Une démission symbolique du gouvernement est-elle le meilleur choix ?

«Nous ne devrions pas aboutir à une tentative de licenciement, mais nous demander si cela est aussi le meilleur pour le pays, car le licenciement a toujours des inconvénients. Par exemple, il faudra que quelqu’un se familiarise rapidement avec le ministère de la Justice.»

L’erreur a été commise par un fonctionnaire du parquet de Bruxelles. Cela n’est pas sans rappeler l’officier de liaison qui était le chien mordu après les attentats de 2016.

« Cette comparaison n’est en effet pas sans importance. A cette époque, on avait tendance à rejeter très fortement la faute sur un seul homme ; rétrospectivement, sa responsabilité s’avérait peu grande. La politique assume ici ses responsabilités, tandis que l’officier de liaison a servi à se renvoyer la balle.

« Cela peut-il être attribué à une erreur purement humaine ? Peut-être, mais le parquet manque bien entendu de personnel depuis longtemps. Il s’agit d’un problème systémique dont les politiciens sont responsables. Par ailleurs, le parquet doit se contenter d’un procureur général par intérim depuis deux ans et demi. La nomination finale est bloquée par un débat interminable sur la question de savoir si cette personne doit être néerlandophone ou francophone. Un procureur général nommé à titre permanent aurait pu faire davantage pour réformer un certain nombre de questions en interne. C’est aussi un problème systémique qui trouve son origine dans la politique.»

Police, SPF Justice, parquet, service de sécurité de l’OCAD, Office des Etrangers : tout le monde savait quelque chose, personne ne savait tout, et nulle part l’alarme ne s’est déclenchée.

«Il faut être prudent avec les grandes conclusions, mais le ‘compartimentation’ du gouvernement semble être une partie importante du problème: des gens travaillant côte à côte et ne partageant pas suffisamment d’informations les uns avec les autres.»

Cette histoire va-t-elle continuer à s’étendre politiquement ? Ou le gouvernement peut-il tourner la page maintenant que quelqu’un a assumé ses responsabilités ?

« C’est difficile à dire. Quoi qu’il en soit, de nombreuses questions nécessitent encore des réponses. Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour que cette erreur soit révélée ? Pourquoi presque personne n’était au courant de cette demande d’extradition ?

« Et pourquoi la sonnette d’alarme n’a-t-elle pas sonné au ministère de la Justice ? Eh bien, il y a eu un oubli au niveau du parquet, mais pourquoi le ministère de la Justice n’a-t-il jamais demandé où en était ce dossier pendant plus d’un an ? Apparemment, ils n’ont jamais envoyé de rappel. Il se passe ici bien plus qu’une erreur individuelle. L’erreur est humaine, mais il devrait y avoir des mécanismes pour surmonter une telle erreur.



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