Près de 13 pour cent des enfants belges souffrent de privation matérielle : « Déjà liée à la santé dès le plus jeune âge »


Dans cette étude, vous mesurez non seulement la pauvreté des enfants, mais également la privation matérielle. Qu’est-ce que cela signifie?

« C’est en fait une façon différente de voir la pauvreté. La pauvreté monétaire ne dit pas toujours grand-chose de son impact sur les enfants, car les parents peuvent gagner peu, mais sont capables de protéger leurs enfants de la pauvreté.

« Avec la privation matérielle, nous regardons les conditions de vie concrètes des enfants. Par exemple, nous leur demandons s’ils peuvent jouer dehors, inviter des amis chez eux ou acheter une nouvelle paire de chaussures. S’ils manquent chaque jour au moins trois des 17 éléments que l’UE considère comme essentiels à un développement sain et équilibré, ils souffrent de privations matérielles.»

Quelles sont exactement vos nouvelles découvertes ?

« Premièrement, le dénuement dans notre pays semble être pire que prévu. Avec 12,8 pour cent, la Belgique se situe dans la moitié inférieure du classement européen. Il existe de grandes différences entre les régions. En Flandre, il est de 8,5 pour cent, en Wallonie de 17,3 pour cent et à Bruxelles de 21 pour cent. En termes de pauvreté des enfants, la Flandre peut rivaliser avec des pays qui s’en sortent également relativement bien, comme le Danemark et la Finlande, mais si l’on considère la privation matérielle, nous obtenons des résultats pires que prévu.

« Pour la première fois, nous avons également pu relier ces données à la situation résidentielle des enfants. Les divorces entraînent dans tous les cas un plus grand dénuement, mais il apparaît désormais que le risque le plus élevé concerne les enfants qui grandissent principalement avec une mère célibataire, qui n’a pas non plus de nouveau partenaire. Ces mères travaillent plus souvent à temps partiel ou n’ont pas accès au marché du travail, donc ont moins de revenus et donc aussi moins d’accès à la garde d’enfants et au logement par exemple.

« On voit aussi qu’il existe un lien entre santé et dénuement dès le plus jeune âge. Quiconque n’a pas accès aux soins primaires lorsqu’il est enfant se retrouve rapidement dans un cercle vicieux. Cela doit être un signal d’alarme très important.

Wim Van Lancker (KU Louvain).

Est-ce que quelqu’un qui grandit avec cela continue à en subir les conséquences plus tard ?

« En effet. La mobilité pour sortir de la pauvreté est très faible dans notre pays. Quiconque est entravé dans son développement social et scolaire au cours de sa croissance en subira les conséquences à long terme. La pauvreté est plus persistante en Belgique que dans d’autres pays.»

Quelles mesures concrètes les politiques peuvent-ils prendre pour remédier à ce problème ?

« Cela ne se règle pas d’un claquement de doigts, mais il existe des leviers pour garantir un meilleur accès à certains services.

« Un exemple spécifique est la pension alimentaire. Dans notre pays, seules 39 pour cent des mères célibataires reçoivent effectivement une pension alimentaire de leur partenaire. En Suède, chaque parent reçoit une pension alimentaire du gouvernement, qui récupère ensuite ce montant auprès des ex-partenaires dans la mesure du possible. Un système complètement différent, qui réduirait presque de moitié notre risque de pauvreté.

«Il faut avant tout prévoir des places pour les crèches et les logements sociaux. Après cela, il faut vraiment se pencher sur l’abordabilité et l’accessibilité pour les enfants vulnérables. Nous pouvons apprendre des autres pays ou régions. En Communauté française, la garde d’enfants est gratuite pour les parents avec une allocation majorée. On discute désormais des budgets pour nos services de garde d’enfants, mais le gouvernement flamand a réduit les règles de priorité pour les groupes vulnérables et les tarifs les plus bas sont relativement élevés, au profit de la classe moyenne ouvrière. C’était un choix, mais ce n’est pas une solution pour les enfants vulnérables.



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