Poutine comme parrain

Cette chronique peut être rejetée sans être lue s’il s’avère qu’Evgueni Prigojine nous a tous trompés et a secrètement fait défection chez Zelensky. Mais la probabilité que cela se produise me semble négligeable. Prigozhin est mort et Poutine est son meurtrier, j’ose prendre du poison là-dessus, à moins que Poutine ne le fournisse.

Ce qui m’étonne le plus, c’est l’apparente naïveté de Prigojine, qui avait une réputation à défendre de scélérat sans scrupules. S’attendait-il vraiment à ne courir aucun danger de la part de Poutine ? Qu’il pourrait organiser une mutinerie en toute impunité contre quelqu’un qui dépend de la loyauté sans faille de ses partisans ?

De plus, Prigozhin aurait dû se rendre compte qu’il était plus vulnérable dans un avion que partout ailleurs. Au rez-de-chaussée, il pouvait encore s’entourer d’un garde du corps bien armé. Poutine aurait dû provoquer un carnage visible pour l’emmener là-bas. Un accident d’avion présente l’avantage pour l’auteur de l’accident de pouvoir prétendre qu’il s’appelle lièvre pendant un moment. Assez d’expérience avec les Russes : voyez la destruction du MH17.

La liquidation de Prigozhin présente toutes les caractéristiques d’un meurtre mafieux classique. Par définition, un tel meurtre intervient dans un contexte de représailles. Les livres et les films sur la mafia en regorgent. La vengeance, comme le dit le proverbe, se mange froide. Cela signifie non seulement avec la tête froide, mais aussi plus tard, lorsque la victime pense qu’elle n’a plus rien à craindre.

Poutine a d’abord réagi avec une colère spontanée (« Trahison ! ») face à l’action du groupe Wagner, mais à la réflexion il aura compris qu’un vrai Parrain doit faire preuve de plus de patience. Il attend un moment, consulte ses collaborateurs les plus fidèles et élabore un plan d’assassinat dans le plus strict secret.

En attendant, il met à l’aise au maximum la future victime. « Comment vont vos enfants ? Bien! Donnez-leur une tape sur la tête de ma part.

Poutine l’a fait en ne poursuivant pas Prigozhin et en lui permettant de partir pour la Biélorussie avec ses hommes. Quelques jours seulement après la mutinerie, Poutine aurait eu une réunion de trois heures avec 35 personnes, dont Prigozhin et d’autres hauts dirigeants de Wagner ; ils auraient alors prêté allégeance à Poutine et à la patrie. Prigozhin a déclaré que son soulèvement visait les dirigeants militaires et non Poutine.

Prigojine semblait être un homme libre, il voyageait librement à travers la Russie et aurait même récemment récupéré au bureau de sécurité du FSB à Pétersbourg ses armes confisquées à son domicile lors de la mutinerie. Le tout caressant sa petite balle.

Au moment où j’écris ces lignes, le Kremlin n’a pas encore commenté le crash de l’avion. Je soupçonne qu’il y aura deux réponses, une pour un usage interne et une pour un usage externe. L’interne se lit comme suit : « Excellent travail, les gars. C’est ce salaud qui l’a demandé. L’externe : « Nous regrettons profondément l’accident tragique dans lequel notre héros légendaire Evgueni Prigojine est mort. Il a courageusement donné sa vie au service du peuple russe. Une enquête plus approfondie sur l’accident suivra.



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