Pourquoi le groupe CBR s’est-il retiré du rachat d’Esprit ?


Les activités européennes d’Esprit sont confrontées à un avenir incertain après que l’investisseur potentiel CBR Group s’est retiré de son soutien aux efforts de restructuration du détaillant de mode en difficulté. Cette nouvelle est arrivée quelques semaines seulement après qu’Esprit ait déposé son bilan en Allemagne pour tenter de sauver l’entreprise.

Les négociations entre Esprit et CBR Group, propriétaire des chaînes de mode Cecil et Street One, ont débuté en avril. Le groupe CBR, dirigé par la société britannique de capital-investissement Alteri, aurait été intéressé par l’acquisition des droits de licence d’Esprit. Cependant, les négociations ont finalement échoué et ont laissé Esprit sans partenaire potentiel pour son plan de restructuration. Alteri est resté discret sur les raisons de son retrait.

Pourquoi les négociations ont-elles été interrompues ?

Une explication possible pourrait être l’intention du groupe CBR d’entrer en bourse, initialement prévue pour 2015 mais ensuite reportée. Il s’agit peut-être de marges bénéficiaires plus élevées et de stratégies d’expansion.

Un article du Gulf Times publié au moment de l’annonce des projets d’introduction en bourse du groupe CBR révélait des détails intéressants. Selon le quotidien, les groupes de mode tels que H&M, Inditex, Next, Marks and Spencer, Fast Retailing et Esprit s’échangeaient en moyenne à 11,6 fois leurs bénéfices de base attendus à l’époque.

CBR a généré plus de 600 millions d’euros grâce à ses marques Street One et Cecil, qui ciblent les femmes jeunes et matures. La marge de CBR a dépassé celle de concurrents tels que Tom Tailor, Gerry Weber et Esprit, en raison du faible besoin en fonds de roulement de son activité de vente en gros.

Selon le Gulf Times, contrairement à Douglas, qui a été racheté par CVC Capital Partners alors qu’il préparait son introduction en bourse, un scénario similaire serait peu probable ici. Et le temps lui a donné raison.

Le groupe aurait tout de même réussi à réaliser son introduction en bourse tant attendue via l’une de ses filiales, CT Investment GmbH. « Les titres suivants ont été ajoutés à la cote officielle de la Bourse internationale avec effet au 17 avril 2024 à 18h00 : CT Investment GmbH, 470 000 000 d’euros », précise la Bourse internationale. Et vous pouvez découvrir sur le site du groupe que les garants de CT Investment GmbH sont CBR Fashion GmbH, CBR Service GmbH, Street One GmbH, Cecil GmbH et CBR eCommerce GmbH.

Dans un communiqué publié le 18 mars 2024, CBR Service GmbH avait annoncé que « l’une de ses filiales, CT Investment GmbH, société à responsabilité limitée de droit allemand (l’« Émetteur »), envisage de lever 470,0 millions d’euros (le « Offre ») de billets de premier rang garantis à taux fixe échéant en 2030 (les « billets »).

Annonces faites alors que S&P Global Ratings a relevé la note de CBR, citant de solides résultats d’exploitation depuis 2020 et des performances résilientes tout au long de 2023. Les ventes de l’entreprise étaient revenues aux niveaux d’avant la pandémie à la mi-2022, soutenues par un taux de croissance annuel (TCAC) d’environ 11,4 % des ventes organiques de 2021 à 2023.

Le rachat d’Esprit ne s’inscrivait donc peut-être pas vraiment dans ce contexte financier. L’accent stratégique de CBR sur les canaux de vente directe au consommateur (D2C) a porté ses fruits, puisque les ventes au détail et en ligne ont augmenté à un TCAC d’environ 13,8 % entre 2020 et 2023, représentant désormais 38 % des ventes totales. Ce changement a amélioré les marges brutes et la marge d’EBITDA ajusté a augmenté à 24,5 % en 2023, contre 21,8 % l’année dernière.

Pour 2024, S&P s’attend à une croissance stable des ventes et des marges d’EBITDA, portée par la dynamique continue du commerce électronique et une croissance modérée du commerce de détail physique. Les initiatives de gestion des coûts et les négociations avec les fournisseurs devraient compenser les pressions inflationnistes. CBR prévoit de générer un cash-flow libre d’exploitation (FOCF) de plus de 60 millions d’euros par an de 2024 à 2025, sur la base d’une rentabilité solide et d’une allocation efficace du capital.

Des difficultés pour Esprit

Ce dernier développement ajoute encore plus d’incertitude à la situation d’Esprit. L’entreprise connaît des difficultés financières depuis plusieurs années, la pandémie de Covid-19 ayant exacerbé les problèmes. En avril, Esprit a déposé le bilan en Belgique, entraînant la fermeture de ses 15 magasins dans le pays. La situation en Allemagne ne semble pas meilleure, car la récente visite du PDG d’Esprit, William Pak, n’a pas réussi à apaiser les inquiétudes croissantes concernant l’avenir de l’entreprise.

Le retrait des investisseurs fait douter de la restructuration

Avec le retrait du groupe CBR, les options d’Esprit semblent limitées. Le PDG William Pak serait à la recherche de solutions alternatives, mais le temps presse. La procédure de faillite de l’entreprise est en cours et sans un plan de restructuration viable, de nouvelles fermetures de magasins et des pertes d’emplois semblent inévitables.

Et après?

Les prochaines semaines seront cruciales pour Esprit. L’entreprise doit trouver de nouveaux investisseurs ou élaborer un plan de restructuration indépendant et convaincant pour éviter une nouvelle détérioration. Il est également possible que l’entreprise soit contrainte d’exercer ses activités en Europe.

Cet article a été initialement publié sur FashionUnited.fr. Traduit et édité par Simone Preuss.



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