Avec le départ de Conner Rousseau, le Vooruit perd sa première place politique à sept mois des élections. Pourtant, tous les socialistes ne se morfondent pas dans leur coin. « C’est un soulagement pour Magnette. »
Comme un tourbillon qui a tout emporté sur son passage, c’est ainsi que l’on peut décrire le passage spectaculaire de Conner Rousseau dans la Wetstraat. À l’âge de 26 ans, il fut élu président du parti SP.A. Un an plus tard, il rebaptisa ce parti paralysé « mouvement » Vooruit. Un choix radical qui s’est avéré payant. Non seulement Rousseau est devenu l’un des hommes politiques les plus populaires de Flandre, mais le Vooruit a également grimpé régulièrement dans les sondages.
Après le haut vol, la chute profonde a suivi vendredi. Rousseau est de plus en plus critiqué ces derniers mois en raison d’une série d’incidents. Des plaintes ont été déposées pour comportement inapproprié, mais elles ont toutes été rejetées. Les rumeurs d’un incident raciste dans un café de Saint-Nicolas ont encore entamé son aura d’invincibilité. La révélation des détails de cette nuit arrosée l’a finalement détruit.
L’affaire laisse des traces profondes au sein du Vooruit. Même lorsque les déclarations racistes et sexistes de Rousseau ont été connues, les membres du parti ont continué à défendre leur président – à qui ils avaient lié leur sort – contre vents et marées. Contre certains partisans rouges. Ces dégâts seront difficiles à réparer avant les élections de 2024. Sans compter que le Vooruit pourrait bientôt se présenter comme l’alternative au Vlaams Belang.
L’incident du café semble être l’apothéose d’une série de déclarations controversées de Rousseau sur la migration et l’égalité des chances, par lesquelles il a positionné les socialistes sur la ligne dure danoise. Il ne se sentait « pas en Belgique » lorsqu’il traversait Molenbeek et proposait de supprimer progressivement les allocations familiales en échange d’une garde d’enfants gratuite, ou de supprimer le salaire vital pour les nouveaux arrivants. Il s’en sortait toujours bien, même si de nombreux Vooruiters n’étaient pas d’accord avec lui.
Un atout important
Le grand danger est que la cacophonie au sein du parti reprenne désormais le dessus sans un chef d’orchestre strict. Même si cela ne semble pas si grave. Les relations personnelles sont beaucoup plus chaleureuses aujourd’hui qu’il y a quelques années. «Je vois l’amitié et la cohésion. C’est un soulagement dans la politique actuelle, ainsi que dans le passé de notre propre parti », a déclaré le vice-Premier ministre Frank Vandenbroucke lors de la présentation de la successeure de Rousseau, Melissa Depraetere.
Le Vooruit ne semble pas immédiatement se diriger vers une crise d’identité. Depraetere souligne qu’elle poursuivra sans relâche la ligne de fond de son « compagnon de route ». « Ce n’est pas que Conner ait été le seul à tracer cette voie ces dernières années », dit-elle.
Le changement pourrait même s’avérer meilleur que prévu. En tant qu’enfant issu d’une famille ouvrière, Depraetere dispose d’un avantage important. Sa mère est femme de ménage au CPAS, son père était jusqu’il y a peu soudeur dans une usine. Pour la première fois depuis longtemps, les socialistes ont une figure de proue qui sait ce que signifie devoir joindre les deux bouts avec de faibles revenus. Un argument de vente fort dans la lutte contre le PVDA et le Vlaams Belang.
Ce n’est pas un hasard si Depraetere était entouré d’une poignée de figures de proue du parti lors de son lancement. Comme l’a souligné le président du Limburgs Vooruit, Alain Yzermans, dans L’importance du Limbourg : « Conner n’était qu’une hirondelle, mais nous en avons d’autres qui arrivent au printemps. C’est peut-être le bon moment pour montrer que notre parti n’est pas devenu un monolithe dépendant d’une seule figure.»
Corsaire sur la côte
Celui qui pousse déjà un soupir de soulagement est le président du PS, Paul Magnette. Le PS et le Vooruit partagent peut-être le même siège social, mais ces derniers temps, il y a eu de plus en plus de bruit sur la ligne qui les sépare. Du côté francophone, les déclarations de Rousseau ont été prises au sérieux. Magnette était autorisée à venir s’expliquer à chaque fois. «Les déclarations de Rousseau à propos de Molenbeek ont rendu furieuse la fédération PS bruxelloise», déclare le politologue Pascal Delwit (ULB).
Il y a aussi une autre raison pour laquelle, selon Delwit, le départ de Rousseau doit signifier « un certain soulagement » pour Magnette. Sans incident majeur, il semble que les socialistes deviendront la plus grande famille politique au Parlement fédéral après les élections de 2024. Magnette veut devenir Premier ministre, mais Rousseau est sur la côte comme corsaire. Cette menace est désormais passée.
Il est difficile d’évaluer exactement ce que le départ de Rousseau signifie pour la formation du gouvernement. Le fait est que tous les dirigeants des partis flamands qui ont négocié le gouvernement fédéral actuel sont désormais partis : Joachim Coens (CD&V), Egbert Lachaert (Open Vld), Meyrem Almaci (Groen) et Rousseau. L’axe entre le Vooruit et la N-VA, qui était principalement un axe entre Rousseau et le président de la N-VA, Bart De Wever, n’est plus évident non plus.
Depraetere avait déjà annoncé il y a quelques mois sa préférence pour la coalition flamande Le dimanche: « Si vous faites le calcul, vous ne pourrez peut-être pas passer à côté de la N-VA ou du Vlaams Belang. Et si l’on sait que nous ne gouvernerons certainement pas avec le Vlaams Belang, il ne reste plus qu’un seul parti.»
Et Rousseau lui-même ? Il n’a pas encore été entièrement comptabilisé. À ce jour, il est toujours chef du parti flamand du Vooruit en Flandre orientale. Si cela dépend de Depraetere, il peut le rester. Un retour des « uppersos » n’est donc pas totalement exclu.