Pourquoi la N-VA veut-elle soudainement s’installer en Wallonie ? « Cela ressemble beaucoup au football de panique »

« La Wallonie doit être libérée du PS. Lorsque les pays du bloc de l’Est ont été libérés des Soviétiques, quels progrès ont-ils réalisés depuis ? Ils ont désormais dépassé la Wallonie. L’administration PS en Wallonie ne fonctionne que grâce à un tiers payant : la Flandre.»

Dans Le septième jour Sur la VRT, le président de la N-VA, Bart De Wever, a fourni dimanche matin un texte et des explications sur la déclaration qu’il avait faite la veille dans le journal du week-end de Les dernières nouvelles lancé. A savoir qu’il envisage fortement de déposer des listes avec son parti en Wallonie. Ce que le Vlaams Belang a également fait lors des élections précédentes, sans grand succès. Mais l’intention n’est pas tant d’attirer de nombreux élus que d’influencer le débat, selon De Wever.

Il est en tout cas peu probable que les ballons de la N-VA soient colorés dans le sud du pays le 9 juin prochain. «L’ensemble du projet n’est pas très crédible», estime le politologue Dave Sinardet (VUB/UCLouvain).

« Nous sommes à six mois des élections, à un moment où presque tous les partis du nord et du sud ont nommé leurs dirigeants. Et puis, du coup, vous envisageriez de soumettre une liste pour laquelle vous n’avez pas encore de personnes ? (délicatement) Si De Wever souhaite réellement rendre la Wallonie sensible au confédéralisme, il devrait en réalité se prononcer en faveur d’une circonscription fédérale.»

Alain Gerlache, comme Sinardet chroniqueur politique de ce journal, est également sceptique. « Cela semble très improvisé, ça sent le football de panique. » Mais l’auteur de L’histoire de la Wallonie se félicite de l’intention de De Wever d’intervenir dans le débat politique en Wallonie. « J’espère qu’il le fera efficacement, j’ai déjà dit que je ne comprenais pas pourquoi De Wever – s’il est sérieux dans le projet confédéral – ne vient pas expliquer ses idées dans le sud. Mais ces dernières années, il a presque toujours rejeté les questions des médias francophones. Étranger. »

Les deux analystes conviennent que la déclaration de De Wever peut être considérée bien plus comme un coup de pub visant à attirer l’attention sur le confédéralisme et non sur, par exemple, l’état du budget flamand.

Et pourtant, il est un peu trop facile de considérer l’idée de De Wever comme un simple paratonnerre. Car supposons que la N-VA émerge réellement en Wallonie, alors le parti volera de facto les électeurs de droite. Au MR de Georges-Louis Bouchez, autrement dit, et non à la gauche incriminée. Une fragmentation à droite le rendrait même plus fort.

« Et pour être honnête, je pense que c’est précisément son intention », déclare Sinardet. «Cela prouverait exactement ce que la N-VA dit depuis toujours : que nous vivons dans deux démocraties différentes. De plus, la N-VA bénéficie également davantage d’un MR plus faible. Ce n’est pas avec MR qu’il faut conclure un accord sur le confédéralisme, qui n’est en fait qu’un autre nom pour une septième réforme de l’État. C’est avec PS.

C’est également dans cette optique qu’il convient de considérer les autres déclarations de De Wever du week-end dernier. Comme lors des campagnes électorales précédentes, le parti s’engage pleinement en faveur du confédéralisme et De Wever remet immédiatement la balle dans le camp des partenaires actuels du gouvernement flamand, Open Vld et CD&V. Il souhaite rejoindre à nouveau un gouvernement fédéral, dit De Wever, mais seulement si l’on veut parvenir au confédéralisme. Entre-temps, un cabinet d’urgence technocratique peut être constitué pour lui sur la base des majorités au sein des gouvernements des Länder.

« Vous me demandez toujours si nous allons faire quelque chose avec le Vlaams Belang. Mais ce que vous ne faites jamais, c’est demander à Sammy Mahdi (président du CD&V) et à Tom Ongena (président d’Open Vld) : êtes-vous prêts à créer un nouveau gouvernement belge Vivaldi avec un tiers des voix flamandes ?

C’est une question qui, selon De Wever, est bien plus pertinente que son intention de s’allier ou non à l’extrême droite. Et Gerlache suit dans une certaine mesure le bourgmestre d’Anvers en la matière.

«Supposons que la N-VA et le Vlaams Belang obtiennent bientôt la majorité numérique en Flandre. Même s’ils ne rejoignent pas un conseil d’administration ensemble, il s’agira d’un tel bouleversement que la situation deviendra intenable. Il est alors impossible de former un gouvernement fédéral sans l’un de ces deux partis, et alors la question clé que devront se poser les partis francophones est : comment allons-nous répondre à la demande d’une nouvelle réforme de l’État ? C’est une question à laquelle ils devraient se préparer dès maintenant.

C’est une analyse que partage Sinardet, mais en même temps très peu de choses ont été dites que l’on ne savait déjà. « D’un point de vue purement politique, j’ai trouvé bien plus intéressant que Sammy Mahdi et Maxime Prévot aient annoncé ce week-end que CD&V et Les Engagés travailleraient ensemble à Bruxelles. Après vingt ans d’éloignement entre les deux, une telle alliance chrétienne-démocrate est très pertinente en vue de la formation prochaine du gouvernement. Et il s’agit d’une nouvelle concrète, pas d’une annonce vague. C’est pourquoi je pense principalement aux déclarations de De Wever : des sondages sont-ils actuellement en cours ? Cela expliquerait beaucoup de choses.



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