Que s’est-il passé « exactement » en 1302 ? L’histoire de la Flandre y a consacré un épisode entier, mais cinquante minutes n’ont pas suffi à démystifier tous les mythes. « Vous avez un sentiment Daens, alors qu’il y avait aussi beaucoup d’inégalités dans les métiers.
1. Où était Jan Breydel ?
A propos de celui qui, avec Pieter de Coninck, s’exhibe sur le marché de Bruges, décore le stade du plus grand club de football du pays et possède sa propre gamme de jambon et bacon, L’histoire de la Flandre parlé dans toutes les langues. Même une brève mention n’a pas été accordée à Jan Breydel.
« Un choix conscient », estime l’historienne Lisa Demets (UGent), consultée dans le cadre de l’épisode. Il y a un consensus sur Breydel depuis un certain temps : il n’a pas joué un rôle important. Même s’il y avait « peut-être trois Jannen Breydel » sur le champ de bataille, le Jan Breydel – comme on le voit, entre autres, Le Lion des Flandres par Hendrik Conscience – n’apparaît dans les sources contemporaines qu’à partir de 1308 et fait donc partie d’un récit fictif. « Ils ne voulaient tout simplement pas attiser cette discussion. »
Historiquement un choix justifié, dit Demets. Mais un peu étrange, puisque l’épisode tente juste de gratter la couche mythique d’une bataille qui s’est logée au plus profond de la mémoire collective flamande. De nombreux téléspectateurs ont encore un peu hésité. Où était ce putain de Breydel sur lequel ils avaient tant appris ? Et que dire de ‘scilt ende friend’, le célèbre slogan flamand lors du Brugse Metten ?
Le spectateur est plongé dans ce raid nocturne sans trop d’histoire. « Par exemple, l’épisode ne mentionne pas que la milice artisanale brugeoise avait fui la ville avant le Bruges Metten. Plus tard, ils se sont retrouvés grâce à ce slogan. Mais était-ce juste un mot de passe ? Ou a-t-il été effectivement choisi en raison de la prononciation difficile pour les francophones ? Cela reste une supposition, mais cela aurait été bien d’aborder cette question », déclare Demets.
2. Vive le Flamand « opprimé » ?
L’historien Rolf Falter, qui publiera ce printemps un livre sur 1302, se satisfait « des corrections apportées à certains mythes persistants ». Peut-être le plus important : que la bataille des Éperons d’or n’était pas une bataille de langues mais un conflit social, mené par les artisans qui réclamaient une plus grande part du gâteau – à la fois de l’argent et du pouvoir. « Pourtant, il a été joué plutôt exclusivement à partir de cette lutte sociale, alors qu’il y avait de nombreuses autres relations en jeu dans une société très complexe. »
Marc Reynebeau le note également dans Le standard: « L’histoire de Flandre ne fait pas le moindre effort pour esquisser le contexte politico-institutionnel crucial de l’époque : la féodalité. En arrière-plan, il y a aussi un conflit entre le comte de Flandre et son seigneur féodal français, Philip De Schone. Comment cette relation a commencé à s’envenimer et comment ce problème s’est également produit dans les duchés voisins, est laissé de côté.
Par exemple, Demets se réfère à la Charte de Kortenberg, dans laquelle le duché de Brabant était un précurseur. « C’est un document extrêmement important, comparable à ce que la Magna Carta est pour les Britanniques. » Dans le même temps, les métiers se révoltent aussi à Bruxelles, Gand, Liège ou encore Paris.
En ce sens, un écart se dessine : L’histoire de la Flandre tente de couvrir le territoire tel que nous le connaissons aujourd’hui, mais revient un peu trop gratuitement au comté de Flandre. « L’essence de la bataille des Golden Spurs est qu’un véritable changement de pouvoir se produit au sein de la société », déclare Falter. Comme le souligne à juste titre Reynebeau, cela se produit dans toute la région des Pays-Bas méridionaux. « Grosso modo, c’est la Belgique actuelle. »
3. Tom Waes nous a-t-il parlé d’un nouveau mythe ?
Le programme lui-même a mis la barre haute, en relevant plusieurs fois ce qui s’était passé « exactement » à Courtrai. Ce n’était pas immédiatement très précis, dit Falter, qui a raté une analyse militaire plus approfondie. Le fait que pour la première fois les fantassins aient vaincu une armée de chevaliers était désormais attribué à l’ingéniosité et à la grinta. « Alors qu’un élément crucial était aussi le financement que la ville de Bruges avait réuni. En conséquence, l’armée a commencé la bataille non seulement motivée, mais aussi bien équipée.
Le « sentiment Daens » est également un peu exagéré, dit Demets. « Il y avait aussi beaucoup d’inégalités au sein des métiers. » Lire : non seulement les pauvres se sont joints à la bataille, mais aussi les riches bouchers. Le fait qu’ils aient choisi un massacre brutal plutôt que la capture des Français n’était pas seulement un manque d’étiquette militaire. « C’était aussi en partie un choix tactique », explique Falter. « Faire des prisonniers au combat coûte de la main-d’œuvre. Tout a été fait pour éviter que la phalange ne se brise.
Il y a encore des occasions manquées de brosser un tableau complet. C’est pourquoi l’épisode n’a pas à disparaître à la poubelle, affirment les deux historiens. « Vous devez faire des choix en cinquante minutes », explique Demets. Ce choix est clair : la mise en scène de la bataille prend beaucoup de temps – faisant disparaître les détails – mais en même temps apporte de l’allure et du divertissement.
Falter fait référence à une série documentaire sur l’année mythique 1672 – pour les Néerlandais – qui entre dans les détails historiques. L’histoire de la Flandre presque deux fois plus de téléspectateurs. Demets : « Notre passé est partagé, donc tout le monde peut en dire quelque chose. C’est ce qui est bien avec ce programme : tout le monde en parle.