Pourquoi B-Fast est à nouveau l’une des dernières équipes d’urgence sur place: « Le résultat d’une mauvaise gestion, de l’ignorance et de la réticence »

Des egos conflictuels, des économies et des pouvoirs tellement fragmentés qu’une chatte n’y trouve pas ses petits. Alors que les équipes d’aide d’autres pays en Turquie sont déjà en train de sortir des gens de sous les décombres, elle attendait la réponse de B-Fast. Désormais, il y aura un hôpital de campagne et environ 10 000 sacs de couchage.

Anne De Boeck

Turquie, 17 août 1999. Plus de 17 000 personnes sont tuées dans un violent tremblement de terre. À Zaventem, une poignée de secouristes sautent dans l’avion avec des tentes, de la nourriture et des chiens de sauvetage. Après des jours de dur labeur sur le terrain, les volontaires sont chaleureusement remerciés par le gouvernement fédéral, qui souhaite aider plus souvent à l’avenir en cas de catastrophe internationale. Un peu plus tard, la Belgian First Aid and Support Team, ou B-Fast en abrégé, a été lancée.

Un quart de siècle plus tard, la Turquie a de nouveau besoin de notre aide. Seulement cette fois, cela prendra plus de temps. Les volontaires de B-Fast ont reçu lundi un SMS leur demandant s’ils étaient disponibles pour une mission. Leur réponse devait arriver avant 15 heures. Aux beaux jours de l’équipe de secours, un vol aurait décollé de Melsbroek en moins de 12 heures avec à son bord quelques dizaines de chirurgiens, infirmiers, techniciens et spécialistes de la recherche. Mais ces beaux jours sont révolus.

Mardi soir est venue l’annonce que notre pays mettra en place et gérera un hôpital de campagne sur place. Au total il y aura de la place pour soigner 100 patients par jour et vingt pourront y passer la nuit. Une équipe de reconnaissance partira mercredi et emportera également 10 000 sacs de couchage. L’hôpital de campagne serait actif au plus tard jeudi prochain. Un coordinateur de B-Fast rapporte anonymement qu’il fallait d’abord « s’aligner sur les autres départements ». Et il y en a eu pas mal, car le ministère de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Défense, de la Santé publique et du Budget a dû donner son feu vert.

La lenteur de la Belgique contraste fortement avec l’approche adoptée par d’autres pays. Plus de dix pays européens ont déjà envoyé des équipes de secours en Turquie, dont les Pays-Bas, la France, l’Italie, la Pologne et la Croatie. Pourquoi faut-il que cela nous prenne si longtemps ?

Symbole belge

Il était déjà clair en 2015 que tout tourne autour de B-Fast. Après le violent tremblement de terre au Népal, l’équipe de recherche et de sauvetage s’y est rendue de bonne humeur, mais a dû revenir quelques jours plus tard sans jamais chercher de survivants. La base était une succession de mauvais choix. Par exemple, le gouvernement a refusé d’envoyer un hôpital de campagne et l’avion de la Défense n’a pas pu atterrir à Katmandou en raison de toutes sortes de retards. Tant de temps a été perdu que le Népal n’a plus eu besoin de notre aide.

Un autre facteur a été la guerre ouverte entre le médecin urgentiste aujourd’hui décédé Luc Beaucourt, l’un des pères fondateurs de B-Fast, et le coordinateur de l’époque Geert Gijs. Le premier a reçu le soutien de la N-VA, qui se demandait si B-Fast « avait encore du sens », l’autre de la ministre de la Santé Maggie De Block (Open Vld). De cette manière, la querelle personnelle est également devenue une bataille politique autour d’un important symbole belge. Un audit critique après le Népal a évoqué « une prise de décision opaque, des tensions entre les individus et un manque de coopération ».

Les choses sont devenues encore plus folles avec l’explosion majeure de Beyrouth en 2020. Alors la Première ministre Sophie Wilmès (MR) a immédiatement annoncé l’aide de B-Fast sur Twitter, ignorant que le département Search & Rescue avait été largement réduit un an plus tôt lors de la réforme de la Civil Protection sous le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA). L’équipe de secours ne pouvait intervenir qu’en Belgique car elle ne possédait plus le label de qualité internationalement requis par les Nations Unies. Finalement, la Belgique n’a envoyé que du matériel d’aide au Liban.

Moins photogénique

Ce qui reste aujourd’hui de B-Fast, c’est surtout l’équipe médicale. La Belgique, selon la nouvelle vision, entrera désormais en scène lorsque les équipes de secours d’autres pays se préparent à rentrer chez elles. Un rôle peut-être moins photogénique, mais tout aussi crucial. « Il a été décidé de ne plus compter sur les équipes de recherche et de sauvetage. Mais nos équipes médicales sont immédiatement disponibles. Dès que la question de la Turquie sera définitivement confirmée, nous serons là », a souligné mardi matin le ministre Verlinden sur Radio 1.

Le problème est que notre équipe médicale n’excelle pas vraiment non plus. Par exemple, la Turquie a lancé un appel international pour les « équipes médicales d’urgence » de classe 2 ou 3. Il s’agit de grands et très grands hôpitaux de campagne dotés d’une grande capacité médicale et de différents types de médecins. La Belgique tente depuis cinq ans d’obtenir ce label de classe 2 par l’intermédiaire de l’Organisation mondiale de la santé, mais jusqu’à présent sans succès. « En raison du corona, nous avons dû réorienter un certain nombre de personnes », a déclaré le coordinateur.

Une voix plus critique se fait entendre de la part des (ex-)employés. « C’est le résultat d’une mauvaise gestion, de l’ignorance et de la réticence », explique l’un d’eux. « Auparavant, il existait un système clair dans lequel l’offre et la demande étaient confrontées à court terme, en fonction du matériel disponible. Quelques heures plus tard, nous sommes arrivés. Maintenant, un placard est rapidement ouvert ici et là pour voir ce que nous pouvons offrir à la Turquie. Eh bien, nous sommes toujours en retard. »

Le porte-parole de B-Fast, Nicolas Fierens Gevaert, souligne que la Belgique « fait tout ce qu’elle peut pour adapter son offre aux besoins turcs ».



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